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Peter Lindbergh, l’authentique 

Peter Lindbergh.
Kate Moss, Paris 2014 © Peter Lindbergh.
Peter Lindbergh.
Linda Evangelista, Paris 1990 © Peter Lindbergh.

« Cela devrait être la responsabilité des photographes modernes de libérer les femmes, et finalement tout le monde, de la terreur de la jeunesse et de la perfection ». Tout est dit, Peter Lindbergh n’est pas un photographe de mode comme les autres. 

De Peter Lindbergh, on connaît bien la grande période des mannequins stars du tournant des années 1980 et 1990 – Linda Evangelista, Estelle Lefébure, Karen Alexander et les autres, sur une plage de Malibu (1988) – ou encore Naomi Campbell et Cindy Crawford dans les rues de New York (1989). Sa séance pour Comme des Garçons avec les modèles vêtues d’une chemise blanche est devenue culte. Comme l’écrit Tara Longi, la commissaire invitée de l’exposition « Devenir. Peter Lindbergh », à voir en ce moment au Pavillon Populaire à Montpellier : « Ce portrait de groupe va donner naissance au phénomène des supermodels, créer un nouvel idéal féminin et redéfinir les relations entre femmes dans notre inconscient collectif »

Peter Lindbergh.
Helena Kristensen, Steonanie Sevmour, Karen Mulder, Naomi Campbell, Claudia Schiffer & Ginov Crawtord, Brooklyn 1991 © Peter Lindbergh.
Peter Lindbergh.
Marie-Sophie Wilson, Tatiana Patitz © Peter Lindbergh.

C’est en effet la première génération de mannequins à accéder au statut de star. En les montrant en mouvement, épanouies et se comportant devant l’objectif comme une bande de copines, Peter Lindbergh en fait des personnes réelles, proches de nous. « Il n’a pas fait des femmes un objet mais le sujet de ses photographies », résume Gilles Morat, directeur artistique du Pavillon Populaire. De nombreuses icônes du photographe allemand sont à retrouver dans l’exposition : la belle et l’extraterrestre sur une route de Californie (1990), les vues dans une usine de Nancy (1988), Amber Valletta avec ses ailes d’ange dans les rues New York (1993), et bien d’autres inscrites dans notre mémoire.

De Peter Lindbergh, on identifie aussi le noir et blanc, constant d’une décennie à l’autre, à la fois doux et profond, tout en nuances de gris, comme patiné, atemporel. « Il a trouvé son style très rapidement », raconte Simon, son fils, qui a ouvert les portes des archives du photographe et s’est beaucoup impliqué dans l’exposition « car l’idée est d’être fidèle à l’être humain qu’il était ». De son côté, Peter Lindbergh expliquait : « Avec le noir et blanc, on n’essaie pas de faire plus joli, de faire chic ou de faire agréable, non, c’est authentique… La couleur s’arrête en surface. Le noir et blanc pénètre la peau : pour moi, il ne s’agit pas de beau ou pas beau, mais de vrai ou pas vrai »

Peter Lindbergh.
Helena Christensen et ET, Californie 1990 © Peter Lindbergh.
Peter Lindbergh.
Amber Valletta, New-York 1993 © Peter Lindbergh.
Peter Lindbergh.
Berri Smither, Californie 1993 © Peter Lindbergh.

Enfin, de Peter Lindbergh on se souvient aussi du portrait serré de Berri Smither (1993) et de ses taches de rousseur. Car son autre grande singularité, c’est le refus de la retouche à outrance. En 1997, son livre Images of women est comme un statement. Atypique dans ce monde de la mode qui ne jure que par la perfection des corps et des chairs, Peter Lindbergh prône le naturel, aussi bien pour son travail de mode que pour les portraits, quel que soit l’âge des modèles : Charlotte Rampling, Jeanne Moreau, Kate Moss au fil des décennies, etc. « La beauté, c’est le courage d’être soi-même […] Cela devrait être la responsabilité des photographes modernes de libérer les femmes, et finalement tout le monde, de la terreur de la jeunesse et de la perfection », disait-il. 

Cette première rétrospective en France depuis son décès en septembre 2019 est non seulement axée sur ses grands classiques mais éclaire aussi sur son parcours avant la photographie. « Il veut très tôt être artiste. Ne venant pas d’un milieu cultivé, il part sur les traces de Vincent Van Gogh à Arles, fréquente ensuite les cours du soir d’une école d’art à Düsseldorf et connaît un début de reconnaissance. Mais finalement, il abandonne l’art conceptuel pour la photographie parce qu’il avait besoin du contact avec les autres », raconte Simon. Il choisit la mode parce qu’il sait qu’il y sera plus libre que dans la publicité. 

Peter Lindbergh.
Charlotte Rampling, Paris 1987 © Peter Lindbergh.
Peter Lindbergh.
Charlotte Rampling, Paris 1987 © Peter Lindbergh.
Peter Lindbergh
Kate Moss, New-York 1994 © Peter Lindbergh.

De salle en salle, l’exposition met en lumière ses influences et inspirations, qu’elles soient culturelles, comme des hommages directs à la célèbre image de Marlon Brando sur sa moto, aux Beatles, à Joséphine Baker incarnée par Naomie Campbell. Ou encore des références à des grandes figures : Lewis Hine, Dorothea Lange, Walker Evans, August Sander, Sandro Botticelli, Alberto Giacometti, Wim Wenders, etc. 

Particulièrement dynamique mais épurée – il n’y a pas une trop grande quantité d’images et c’est tant mieux –, la scénographie alterne les grands et les plus petits formats – « Sa marque de fabrique », note Simon – avec des tirages réalisés de son vivant issus de deux expositions fondatrices, celle du Hamburger Bahnhof (Berlin 1997) et du Kunsthal (Rotterdam 2016). S’ajoutent des films de ou sur lui, ainsi que des tables-vitrines rassemblant des planches contact, magazines et objets personnels, notamment ses lunettes et son agenda. Un point de vue intime qui sied particulièrement à ce photographe qui a perpétuellement été en quête d’authenticité.

« Devenir. Peter Lindbergh ». Pavillon populaire, Montpellier, du 23 juin au 25 septembre.

Peter Lindbergh.
Hommage à Pina Bausch, Paris 1997 © Peter Lindbergh.

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