24 lieux d’expositions, 105 artistes, 40 commissaires d’expositions et 3 mois de festival : c’est le plus grand événement pour le secteur de la photo. Du 3 juillet au 24 septembre, Arles deviendra la capitale internationale de la photographie. Parmi les 44 expositions présentées cette année aux Rencontres, cinq thèmes principaux émergent : Géographies du regard, Revisiter, Mises en scène, Des films en images, et Réminiscences.
Lieu de soutien et de défense de la création, Les Rencontres de la photographie d’Arles se sont affirmées comme « une véritable caisse de résonance de l’état du monde », selon l’ensemble des équipes du festival. Peu étonnant de voir ainsi émerger des grands thèmes sociaux et environnementaux dans la programmation.
Revisiter le territoire
« Arles n’accueille pas les Rencontres, les Rencontres sont nées à Arles. » Ces mots de Patrick de Carolis, maire d’Arles illustrent le choix de projets artistiques liés à notre rapport au territoire. Parmi eux, « Ici Près », un reportage photo mené aux environs d’Arles par Mathieu Asselin, Tanja Engelberts et Sheng-Wen Lo. Le collectif d’artistes enquête sur les domaines de l’industrie, des transports ou de la vie animale et révèle la manière dont les écosystèmes locaux sont altérés d’Arles et de ses environs.
Le festival se veut solidaire, engagé et responsable. Des enjeux placés au cœur de la programmation puisque la première thématique Géographies du regard aborde le sujet des dérèglements climatiques. Avec « Soleil Gris », Éric Tabuchi et Nelly Monnier cartographient la France triviale, celle des bars PMU et les stations services. Un cheminement à travers la pensée et le paysage pour comprendre comment notre manière de vivre et de façonner le paysage raconte nos modes de vie et nos identités.
Une autre Amérique surgit, invitant à faire un pas de côté dans notre rapport au monde. Saul Leiter nous invite ainsi à une déambulation dans les rues de New York avec « Assemblages », exposition historique qui retrace plus de de 60 années de photo de rue. Au Centre de la photographie de Mougins, c’est Harold Feinstein qui est à l’honneur, avec ses clichés des new-yorkais exclus de la prospérité d’après-guerre.
Entre héritage et histoire
La Ministre de la Culture résume ce qui nous arrive lorsque l’on vient à Arles par cette formule empruntée à Marcel Proust : « Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous-mêmes ». Sortir de soi, c’est précisément ce que propose « Entre nos murs ». À travers la construction d’une maison à Téhéran, nous plongeons dans l’histoire de l’Iran, des années 1950 à nos jours.
Aux premières loges des soubresauts de l’Histoire de notre monde, Libération s’expose à Arles avec « 50 ans dans l’œil de Libé ». Le journal, pour qui « casser les codes » était le mot d’ordre dans les années 1980, se distingue par son regard photographique sur l’actualité. L’exposition présente des grandes commandes qui documentent l’esprit d’une époque. Un esprit contestataire capturé par Henri-Cartier Bresson, Raymond Depardon, William Klein ou encore Françoise Huguier.
Lumière, caméra, action !
Cette année, Arles réconcilie photographie et cinéma puisque l’un des thèmes centraux est intitulé De films en images. Mention spéciale pour l’exposition Agnès Varda qui se tiendra au Cloître Saint Trophime. On y découvre son enfance à Sète, où ses parents se réfugient après la guerre. Ces photos seront déterminantes pour son avenir dans le cinéma, puisqu’elle tournera La pointe courte, quelques années après.
Dans l’optique de comprendre comment l’image photographique peut amener à l’image animée, les Rencontres ont invité l’américain Gregory Crewdson. Ce passionné du grand écran convie techniques cinématographiques pour transformer sa ville natale, Pittsfield, en décor digne d’un polar. Une écriture cinématographique partagée par Wim Wenders et ses polaroids qui lui ont servi de repérage lors de la réalisation de son film L’Ami américain, en 1976.
En parallèle du septième art, Les Rencontres d’Arles réunissent divers artistes pour découvrir la mise en scène, la construction et l’écriture des images. « Théâtre optique », présente ainsi les archives de photographie de photographie de plateau de cinéma de Pierre Zucca. Avec « Mythes et clichés », Nicole Gravier explore quant à elle les possibilités de la photographie avec les autres formes d’art, comme le roman photo, le photomaton ou la carte postale.
Réminiscences : quand la photo réapparaît
Aux confins de l’histoire et de la mémoire, « Casa Susanna » dévoile 340 photographies tirages et polaroïds des années 1950 et 1960 trouvées sur un marché aux puces de New York. Donnant à voir des hommes travestis en femme d’intérieur, ces images témoigner de la force de la photographie comme enjeu identitaire au sein de la communauté LGBTQIA+. La lauréate du prix Women In Motion, Rosângela Rennó, postule également une réflexion sur l’identité, la mort et le temps. L’artiste collectionne et modifie des images de différentes époques.
Montage, gommage, superposition : la photographie ne devient qu’une trace du passé. C’est ce qu’expérimente aussi la photographe polonaise Zofia Kulik, qui travaille à partir d’images d’archives qu’elle retouche. Ses compositions photographiques complexes et multidimensionnelles évoquent l’imagerie religieuse mais aussi la peinture, la tapisserie ou le mandala.
Le directeur, Christoph Wiesner, a également tenu à mettre en lumière la place des femmes dans les arts et la culture en soulignant l’importance de redécouvrir les scènes féminines d’Europe. Avec « Søsterskap », 18 photographes venues des cinq pays nordiques revisitent près de 70 ans d’histoire de leur pays. Issues du Danemark, de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède, elles racontent l’État providence à travers leur objectif. C’est d’ailleurs la photographe finlandaise Emma Sarpaniemi, qui avec « Autoportrait en Cindy », illustre l’affiche des Rencontres. Un regard féministe par le prisme de la photographie.
54e édition des Rencontres d’Arles. Du 3 juillet au 24 septembre.