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Revue Noire, l’histoire de la photographie africaine

Une exposition rend hommage au travail de photographes africains qui ont transformé le paysage de l’art contemporain. Redécouverte de Revue Noire, le magazine révolutionnaire des années 90 consacré à la photographie africaine.

Entre 1991 et 2001, Revue Noire a fait connaître les avancées révolutionnaires de l’art en Afrique, en marche vers l’indépendance depuis 1847 – moins d’une décennie après l’invention de la photographie. 

À l’époque, les Européens utilisent la photographie comme un outil d’oppression des pays du Sud, un vecteur des idéologies racistes, tout en taxant les arts autochtones de « primitifs » et en les reléguant en marge du monde de l’art. Mais loin de se décourager, les artistes africains développent rapidement leur propre langage visuel pour communiquer, à travers la photographie, des idées totalement originales quant au style, à l’identité, à l’autodétermination et au médium.

Kinshasa, RDCongo, 1939 © Antoine Freitas
Kinshasa, RDCongo, 1939 © Antoine Freitas

Tandis que le Mouvement pour l’indépendance africaine du milieu du XXe siècle touche à sa fin, une nouvelle ère voit le jour : celle de la liberté de s’exprimer par le moyen des arts traditionnels, tout en dépassant les limites de la tradition. « L’artiste africain contemporain se considérait comme un artiste, plutôt que comme un artiste africain, il voulait  échapper aux codes de l’identité culturelle qui lui avait été assignée », écrit le commissaire Jean Loup Pivin dans Revue Noire : Histoire Histories/History Stories, le superbe catalogue accompagnant une exposition qui fera date, The Spirit of Revue Noire: A Founding Collection.  

Jean Loup Pivin cofonde Revue Noire avec le commissaire Pascal Martin Saint Léon, l’écrivain / commissaire Simon Njami et l’éditeur / écrivain Bruno Tilliette. Plate-forme multidisciplinaire pour les arts, elle comprend une maison d’édition et une société de production de films documentaires, de courts métrages, de vidéos et de musique.

Au cours des dix années d’existence du magazine trimestriel, Revue Noire publiera le travail de plus de trois mille cinq cents artistes africains, offrant une approche multidimensionnelle de l’art contemporain sur le continent – et partout dans le monde.

Le centre du monde

Bangui, Centrafrique, années 1970 © Samuel Fosso
Bangui, Centrafrique, années 1970 © Samuel Fosso
Niamey, Niger, 1970 © Philippe Koudjina
Niamey, Niger, 1970 © Philippe Koudjina

La photographie occupe une place centrale dans la Revue Noire, qui a instauré un dialogue dynamique et novateur autour de ce médium. Des artistes tels que Samuel Fosso, Jean Depara, Seydou Keïta, Malick Sidibé, Mama Casset ou Rotimi Fani-Kayode – présents dans l’exposition The Spirit of Revue Noire: A Founding Collection – ont adroitement élaboré leurs propres langages visuels, afin d’explorer les notions d’identité, d’esthétique et d’expression africaines.

« La photographie n’est pas une question d’âme mais surtout une question de mémoire »

Simon Njami

« Certes, la photographie n’est pas une question d’âme mais surtout une question de mémoire, tout comme la littérature », observe l’écrivain et commissaire Simon Njami dans le texte intitulé « A Dress So Red », au début du chapitre consacré à la photographie dans Revue Noire : Histoire Histoires / History Stories

Salutations des Sapeurs du night-club, Kinshasa, 1950-1965
Salutations des Sapeurs du night-club, Kinshasa, 1950-1965

« Arrêter le temps et lui imposer notre propre rythme »

Par son pouvoir de restituer la réalité telle qu’elle est, semble-t-il, les photographies ne préservent pas seulement des souvenirs individuels : elles deviennent un patchwork de la conscience collective qui réinvente une époque. Donnant forme à notre passé et à notre présent, elles façonnent l’idée de ce que l’avenir nous réserve, en devenant des pierres de touche culturelles.

Fidèle à l’idée que « voir, c’est croire », Revue Noire remet en question nos suppositions et nos croyances, car il est clair que la pensée conventionnelle conduit au désastre. Tout comme l’écriture, la photographie est une quête de permanence dans un monde en constante évolution ; et les fondateurs de la Revue Noire nous rappellent qu’il faut dépasser le plaisir des sens que nous procure l’art, afin de voir en face les crises existentielles qu’il révèle.

Dakar, Sénégal © Mama Casset
Dakar, Sénégal © Mama Casset

« Arrêter le temps et lui imposer notre propre rythme », écrit Njami. « Combler les gouffres béants. Faire taire la peur de ne pas savoir. La peur que l’on ne sache jamais. Une vaine quête d’utopie. Un refus de sombrer dans la folie. Nous n’inventons rien. Nous nous souvenons mal. Nous comprenons mal. Nous parvenons à trouver un peu de force dans l’insignifiance même des choses qui restent. »

Niamey, Niger, 1969 © Philippe Koudjina
Niamey, Niger, 1969 © Philippe Koudjina
Ifé, Nigéria-London, U.K, 1989 © Rotami Fani-Kayodé
Ifé, Nigéria-London, U.K, 1989 © Rotami Fani-Kayodé
Jeune femme devant l'Afro Negro Club, Kinshasa, 1950-65
Jeune femme devant l’Afro Negro Club, Kinshasa, 1950-65. © Jean Depara

The Spirit of Revue Noire: A Founding Collection est présentée jusqu’au 31 mars 2023 au Hakanto Contemporary, à Antananarivo (Madagascar). Revue Noire: Histoire Histories / History Stories est  publié par les Éditions Revue Noire, 45,00 €.

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