Le photographe Wayne Levin a 19 ans en 1965. Une année auparavant, le Congrès des États-Unis vote une loi intitulée le Civil Rights Act mettant fin théoriquement aux actes de ségrégation à l’encontre des Noirs américains. Dans les États du Sud, les autorités locales et le Ku Klux Klan continuent pourtant de faire régner un quasi apartheid, comme en Alabama où l’inscription des Noirs américains sur les listes électorales est bloquée. Sur 15 000 d’entre eux, 300 seulement pourront s’inscrire.
En guise de protestation, une manifestation s’organise le 18 février 1965. Elle est violemment réprimée par la police. Un manifestant est tué. Martin Luther King prend la tête du mouvement et appelle à une marche le 7 mars suivant. Environ 600 personnes se rassemblent pour parcourir environ 87 kilomètres, de Selma à Montgomery. La police leur barre la route au côté d’une foule hostile qui les repousse à coups de matraques et de gaz lacrymogène Il y a 80 blessés dont certains très graves. Ce dimanche restera en mémoire comme le « Bloody Sunday of Selma ». Les images font le tour du monde Un film a même mis en fiction l’histoire de ce mouvement : « Selma » réalisé par Ava Duvernay.
Le 25 mars 1965, une nouvelle marche de plus de 50.000 manifestants atteint Montgomery sans entrave, avec cette fois-ci Martin Luther King à sa tête. Wayne Levin participe à la dernière journée. « J’étais alors actif dans le mouvement des droits civiques, dans la branche de Los Angeles du Congrès pour l’égalité raciale. » C’est en plongeant bien des années plus tard dans ses archives que le photographe remarque l’intérêt de ses photographies. « J’ai réalisé que, bien qu’elles soient loin d’être techniquement parfaites, elles étaient différentes de la plupart des images prises à l’avant de la marche parce qu’elles ont été prises au milieu de celle-ci. »
Wayne Levin a photographié la manifestation de l’intérieur. On y remarque certaines personnes avec des gilets orange, ce sont les premiers citoyens qui ont participé aux marches précédentes et qui ont été violemment dispersées. « Ces marcheurs originaux et certains des leaders des droits civiques sont les seuls à avoir fait la totalité du trajet des cinq jours, de Selma à Montgomery. » Sur l’injonction du président Johnson, le congrès américain adopte finalement en août 1965 le Voting Rights Act, qui entérine définitivement le droit de vote pour les Noirs américains.
Wayne Levin, Selma to Montgomery March, Tritone Press, 40 pp., €8.