Thing, le légendaire magazine noir queer des années 1990

Ce classique culte est de nouveau disponible en une édition fac-similé de 10 numéros.

Certains disent que le disco est mort le 12 juillet 1979, lorsque 50 000 hommes et femmes blancs ont participé en force à la « Disco Demolition Night » au Comiskey Park de Chicago. Ce qui a commencé comme une manifestation raciste et homophobe contre le disco – alors une forme d’art queer majoritairement noire – s’est terminé par une émeute générale avec plusieurs arrestations pour trouble à l’ordre public. Mais le disco n’est jamais mort, il est alors devenu plus clandestin et a connu son succès sur les pistes de danse des États-Unis.

Au milieu des années 1980, Chicago est ensuite devenue le cœur d’un nouveau son, la house music, qui allait prendre d’assaut la vie nocturne. À la fin de la décennie, la house music était devenue un mode de vie. Son message? L’amour, et la musique son messager. Parmi ceux qui ont suivi son appel: Robert T. Ford, Trent Adkins et Lawrence D. Warren. Ils sont les maîtres d’œuvre de Thing, le légendaire magazine noir queer des années 1990, qui est devenu une voix déterminante de la scène du début des années 1990.

From Thing, courtesy of Primary Information
De Thing, avec l’aimable autorisation de Primary Information
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De Thing, avec l’aimable autorisation de Primary Information
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De Thing, avec l’aimable autorisation de Primary Information

Originaire du légendaire South Side de Chicago, le triumvirat s’est réuni pour la première fois en 1987 pour créer Think Ink, un magazine noir et blanc qui n’a publié que deux numéros avant que les fonds ne s’épuisent. Le dernier numéro évoquait l’avenir dans son glossaire avec un mot simple mais sans équivoque : « Thing : une personne ou une chose d’une fabulation incorrigible et insupportable ».

C’est assez dire. En novembre 1989, le magazine Thing arrive avec une promesse simple : « She Knows Who She Is » (Elle sait qui elle est). Entre 1989 et 1993, le magazine a publié 10 numéros avant que la mort de Ford, victime du sida, ne mette un terme au magazine. Adkins et Warren disparaîtront à leur tour.  

Au fil des années, le magazine est devenu un classique culte que peu de gens ont vu dans son intégralité – jusqu’à aujourd’hui avec la sortie de Thing, une édition fac-similé reliée des 10 numéros. Voici donc le meilleur de Chicago qui trace les grandes lignes de la culture à travers une communauté qui s’est réunie grâce à la musique, au moment même où elle était ravagée par le sida.

From Thing, courtesy of Primary Information
De Thing, avec l’aimable autorisation de Primary Information

Can you feel it

Thing a vu le jour sur la scène des zines indépendants qui fleurissaient à la fin des années 1980 parmi une nouvelle génération d’artistes, de photographes, d’écrivains, de designers et d’aspirants éditeurs qui comprenaient, comme l’a dit le journaliste AJ Liebling, que « la liberté de la presse n’est garantie qu’à ceux qui en possèdent une ».

Dès le premier numéro, Thing a signalé le début des festivités. De nouvelles voix ont surgi de ses pages, délicieusement candides et pétillantes de vie. Le magazine pouvait donner l’impression d’être à la fois sur la piste de danse, dans la cuisine et autour de la table, tout en rythme, sans le moindre effort.  

Thing était un tour de force sans pareil, un tourbillon de jeunes Noirs homosexuels en pleine ascension. Certains comme RuPaul Charles devenant une puissance mondiale et d’autres comme le poète Essex Hemphill et le cinéaste Marlon Riggs mourant du sida au milieu des années 1990. À son apogée, Thing s’est écoulé à 3 000 exemplaires, prouvant que le vieil adage selon lequel la qualité prime sur la quantité résiste à l’épreuve du temps. Les lecteurs se régalaient du travail du photographe Lyle Ashton Harris et des écrivains Dennis Cooper, Vaginal Davis et Gary Indiana, tout en lisant la campagne présidentielle révolutionnaire de Joan Jett Blakk qui se déroulait en temps réel. 

From Thing, courtesy of Primary Information
De Thing, avec l’aimable autorisation de Primary Information
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Le magazine était une œuvre d’art à part entière, soigneusement élaborée par l’éditeur et rédacteur en chef Robert R. Ford dans son appartement. « Nous savions par nous-mêmes à quel point la culture des hommes noirs homosexuels est riche et importante », disait Robert R. Ford à l’écrivain Owen Keehnen. « Nous voulions créer un magazine qui serait un moyen de documenter notre existence et notre contribution à la société. Notre idée n’était pas tant de radicaliser ou de subvertir l’idée des magazines que d’en créer un selon notre propre point de vue. »

Feuilleter le recueil relié de chaque numéro de Thing, c’est aujourd’hui se rendre compte que la carte que l’on tient entre les mains est celle d’un trésor que l’on cherche. Voici des souvenirs dont vous ne soupçonniez même pas l’existence, enrichis de sens et de résonances par le passage inéluctable du temps.

Thing est publié par Primary Information, et disponible au prix de 35$. 

From Thing, courtesy of Primary Information
De Thing, avec l’aimable autorisation de Primary Information

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