Située au milieu de l’océan Pacifique, bordée au nord par la mer de Béring, Adak est une île aléoutienne. Autrefois inhabitée, elle s’est transformée en avant-poste militaire pour l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide. En quelques années seulement, elle est devenue la quatrième plus grande ville du territoire de l’Alaska, habitée par six mille militaires et leurs familles. En mars 1997, avec la fin de la guerre froide, l’armée abandonne l’île. « On ne comptait plus que 75 habitants » en 2019 assure le photographe américain Ben Huff.
Il y a de nombreuses raisons pour qu’un photographe se passionne pour cette île : les montagnes, les glaciers, la faune mais aussi les aurores boréales, ce fameux phénomène lumineux atmosphérique caractérisé par des voiles extrêmement colorés la nuit. Lorsque Ben Huff s’y rend pour la première fois en 2015, ce qui l’intéresse particulièrement, ce sont « les éléments que l’homme a ramenés sur l’île. Les choses dont nous sommes responsables comme les infrastructures militaires ou le pipeline. »
Le photographe est saisi par la quantité folle de déchets et par le sentiment d’abandon que l’on ressent un peu partout sur l’île. Ce paysage lui rappelle à certains moments un territoire de film d’horreur, encore plus la nuit. Ben Huff, qui travaillera sur cette série jusqu’en 2019, suit son instinct pour capturer les lieux. Assumant un certain attrait pour la mélancolie, le photographe se laisse attirer par une couleur, une texture ou une ligne.
L’ouvrage Atomic Island édité par les éditions fw:books débute par trois vues de mer presque similaires. S’ensuivent ensuite des photographies d’infrastructures militaires abandonnées, de paysages, de portraits des quelques habitants, de détails et de portes qui reviennent elles telles un leitmotiv. Entre ces images contemporaines, il présente des archives. « Dès le premier voyage, j’ai compris que j’aurais besoin d’images d’archives, notamment de la Seconde Guerre mondiale. » S’il ne cherche pas de cette manière à composer un récit historique, le photographe s’applique « à créer un espace pour réfléchir sur le paysage, sur les raisons de la présence humaine là-bas. » À poser « une ambiance. »
Atomic Island de Ben Huff est publié par fw:books, 172 pages, 42,20 €.