Dédié à l’Afrique, l’Amérique, l’Asie et l’Océanie, c’est-à-dire au monde non européen, le musée du Quai Branly-Jacques Chirac rassemble une collection photographique de plus de 700 000 pièces. C’est le fond le plus important de cette institution comptant également quelque 300 000 objets, sculptures, etc. Si l’exposition comprend quelques prêts de collectionneurs privés (comme Serge Kakou), et d’institutions (dont la Bibliothèque nationale de France), les 300 pièces de « L’album photo du monde » proviennent majoritairement du musée.
101 photographes présentés
Car l’un des enjeux de la présentation est de mettre en valeur la singularité de ce fond qui se distingue par ses nombreux auteurs extra-européens. « Sur les 101 photographes présentés, on compte 52 occidentaux et 49 autochtones. Cette quasi-parité a été rendue possible grâce à l’accélération, ces dix dernières années, des acquisitions d’auteurs en provenance des quatre continents », explique Christine Barthe, responsable de l’unité patrimoniale des collections photographiques du Quai Branly, commissaire de l’exposition avec Anabelle Lacour, responsable des collections photographiques.
L’autre objectif de l’exposition est de montrer comment, moins de trois ans après son invention, la photographie commence à se développer dans le monde par le biais des occidentaux mais aussi, très rapidement, par les autochtones eux-mêmes, notamment en Iran, Japon et Inde. « Beaucoup de personnes dans le monde sont curieuses de voir comment fonctionne la photographie », notent les commissaires.
De la photo de portrait à la photo documentaire
Dans les pays cités précédemment, les élites au pouvoir sont fascinées par le médium et contribuent à son essor. Une fois formés – en Europe pour ceux qui effectuent des voyages diplomatiques –, les photographes locaux s’en emparent, chacun avec la spécificité de sa culture. Ainsi, par exemple, on peut voir un portrait grand format d’un anonyme indien représentant un maharaja rehaussé à la gouache de couleurs vives datant des années 1910-1920.
Comme dans le monde occidental, le portrait occupe dès le départ une grande place. Les studios photo voient le jour dans les grandes villes à partir des années 1860, notamment en Australie et en Afrique de l’Ouest. « Les images produites correspondent à la demande d’une clientèle touristique à la recherche d’exotisme tout en attirant une clientèle locale aisée qui vient se faire photographier », expliquent les commissaires.
Le parcours de l’exposition comprend aussi de très beaux tirages de chefs Indiens d’Amériques datant des années 1870 d’Alexandre Gardner et d’auteurs inconnus. De manière générale, la qualité de conservation des tirages présentés est remarquable. La variété des formats, des plus petits aux plus grands, avec notamment des panoramiques réunissant plusieurs images, rend la visite vivante.
Dans ce vaste ensemble, les paysages ne sont pas en reste. « Dès le début, la production est diverse, répond à différents souhaits et s’insère dans des contextes variés », précisent les commissaires. Ainsi, certains clichés ont été saisis à des fins esthétiques et/ou comme « souvenir ». Ils sont signés par les premiers voyageurs que l’on peut qualifier d’explorateurs ou d’aventuriers. Il faut préciser que le matériel est alors lourd et encombrant. D’autres vues de paysages ont été réalisées à des fins topographiques, sorte de « repérage » des lieux. Dans ce cas, la photographie a été utilisée pour sa valeur documentaire et a servi les projets de colonisation.
Dans la présentation, les découvertes sont nombreuses et mises en valeur grâce à des légendes explicatives alliées à une scénographie dynamique avec murs colorés, vitrines montrant albums, médaillons et autres curiosités. À travers son parcours à la fois chronologique, géographique et thématique, l’exposition dessine ainsi une autre histoire de la photographie, plus complète car cosmopolite puisqu’elle inclut l’Asie, l’Afrique, l’Océanie et les Amériques.
« Ouvrir l’album du monde. Photographies (1842-1911) », Musée du quai Branly-Jacques Chirac, du 4 avril au 2 juillet 2023.