unRepresented n’est pas une foire comme les autres. Ce nouveau rendez-vous marchand parisien lancé par Emilia Genuardi sur le modèle de Approche, qu’elle a cofondé en 2017, doit son nom au fait qu’il réunit des artistes sans galerie. Un modèle singulier car habituellement, qui dit foire dit galeries présentant leurs artistes.
Autre originalité : les projets présentés ont été « adoubés » par des collectionneurs, ces derniers prenant en charge les frais de participation à la foire. En échange, chaque participant offre une œuvre au collectionneur qui l’a soutenu. « L’intégralité des ventes revient aux artistes qui seront présents sur le salon pour recevoir les collectionneurs et dialoguer avec les visiteurs. Tout comme Approche, unRepresented prend la forme d’une grande exposition, il n’y a donc pas de stand », explique Emilia Genuardi.
À taille humaine, ce rendez-vous marchand réunit 14 artistes présentant des œuvres de 1 000 à 25 000 euros. Jacques Deret, collectionneur « parrain » de Laure Tiberghien, a tout de suite été séduit : « Je suis un visiteur assidu de Approche dont j’apprécie la petite taille permettant de découvrir les œuvres en profondeur. Collectionner un artiste équivaut pour un collectionneur à un soutien et, dans mon cas, participer à unRepresented est un prolongement logique d’une démarche que je mène depuis 2011 à travers le Prix Art [] Collector. Dans les deux cas, c’est l’idée que les collectionneurs peuvent jouer un rôle actif auprès des artistes. »
Cette nouvelle foire est l’occasion pour Blind d’interroger quatre participants – Dana Cojbuc, David Fathi, Bruno Fontana et Julien Lombardi – sur les coulisses du métier d’artiste en marge de la réalisation de leurs œuvres.
Avoir une galerie, qu’est-ce que cela change ?
Dana Cojbuc – qui n’a jamais été représentée par une galerie – : « Le principal avantage, c’est de pouvoir concentrer son énergie et son temps sur la création artistique. »
Julien Lombardi : « Jusqu’à présent, cela ne m’a pas gêné de ne pas être représenté par une galerie, car ma pratique associait différentes activités en relation avec la photographie. Grâce au soutien d’institutions culturelles publiques, je suis parvenu à financer la majorité de mes projets et à trouver des moyens de production avec les structures qui ont exposé mon travail. Les prix, résidences, commandes et expositions ont également facilité l’acquisition de mes œuvres par plusieurs collections publiques et privées. Cependant, depuis plusieurs années, mon travail de création met en œuvre des processus créatifs plus longs et des techniques plus complexes, les tâches à réaliser ne cessent de se multiplier, en France comme à l’étranger. Ces nouvelles conditions de production et de diffusion sont difficiles à assumer seul, travailler avec une galerie pourrait être un atout important pour poursuivre mes objectifs. »
David Fathi – qui a collaboré avec la Galerie Particulière jusqu’à sa fermeture en 2019 – : « c’était une belle expérience mais malheureusement trop courte. Une relation avec une galerie se construit sur le long terme, et nous commencions juste à travailler sur de gros dossiers d’acquisition et d’expositions. […] Dans mon cas, c’est compliqué de ne plus avoir de galerie car je tiens à conserver mon emploi à plein temps en parallèle (chef de projet informatique) et il faut savoir que les dossiers d’acquisitions des institutions et les relations avec les collectionneurs prennent beaucoup de temps. Le soutien d’une galerie m’était très précieux pour cela ».
Bruno Fontana : « Avoir une galerie m’a permis de saisir le fonctionnement du marché de l’art, des foires et de la relation au collectionneur. Et de voir mon travail exposé régulièrement à l’occasion de foires et salons. C’est cette visibilité qui a permis à mon travail d’attirer l’attention de collectionneurs. Cette période a été très stimulante car mon temps était intégralement consacré à mon travail artistique. »
Qu’attendez-vous de votre participation à cette foire où vous allez devoir concrétiser les ventes vous-mêmes, rôle qui revient ordinairement aux galeristes ?
Bruno Fontana : « Ce concept de duo collectionneur/artiste est très innovant. Il permet aux collectionneurs d’affirmer directement leur soutien et leur engagement en offrant une belle visibilité aux artistes sélectionnés. Ils deviennent dès lors les acteurs de la foire en offrant au public ce florilège. Grâce aux relations tissées précédemment par le salon Approche dans cet espace convivial, nous [les artistes] profiterons d’une mise en lien avec un écosystème d’éditeurs, d’institutionnels, de galeristes et de collectionneurs… »
Julien Lombardi : « Je trouve que c’est une initiative originale qui a le mérite de bousculer les codes du marché de l’art et qui questionne ce que signifie soutenir un artiste. Il est communément admis que l’achat d’une œuvre d’art est un soutien à la création contemporaine, c’est un fait. Néanmoins, je trouve positif de mettre en lumière d’autres formes d’engagements et de relations entre acteurs du monde de l’art. Frédéric de Goldschmidt, le collectionneur qui porte ma participation, m’a appelé pour me proposer de nous lancer ensemble dans cette première édition du salon alors que nous ne nous connaissons pas personnellement. J’ai également accepté de participer à unRepresented parce qu’il y a un projet curatorial et qu’en tant que visiteur du salon Approche, j’ai toujours trouvé cet évènement très inspirant dans son format et sa sélection d’artistes. Je ne suis pas un habitué des salons, j’appréhende donc cet événement comme une exposition. J’en attends la même chose qu’à chacun des événements auxquels je participe, à savoir partager mon travail, mon approche, mes réalisations et réunir les conditions pour continuer mes projets artistiques. »
Dana Cojbuc : « Parler de mon travail n’est pas une difficulté pour moi, le vendre, c’est plus difficile. […] Ce salon peut être une très belle vitrine et un vrai coup de pouce pour une artiste émergente comme moi. »
David Fathi : « C’est un projet très excitant et un plus gros défi qu’attendu. L’équipe est très professionnelle et nous donne une vraie visibilité et accès à un réseau qu’il est difficile de faire venir quand on est tout seul. J’attends principalement de faire des rencontres professionnelles qui pourront fleurir avec le temps. C’est aussi l’occasion de formaliser physiquement mon nouveau projet basé sur l’intelligence artificielle générative, et donc je suis assez impatient, et un peu anxieux de le confronter pour la première fois au public. »
unRepresented, par Approche, 1ère édition du 31 mars au 2 avril 2023, La Molière, 40 rue de Richelieu 75001, Paris.