« Depuis 2015 avec notre petite équipe, nous cherchons à montrer l’âme de Saint-Germain-des-Prés, quartier mythique de Paris, atypique pour la photographie. Le festival invite à arpenter ses rues, à visiter des lieux connus et à en découvrir d’autres, plus confidentiels, en passant d’une exposition à l’autre », commente Aurélia Marcadier, historienne de l’art à la tête de la manifestation depuis près de dix ans. Cette année, le parcours est composé de 34 étapes dans les 5e, 6e et 7e arrondissements de Paris, dont une en extérieur : Clara Prioux, quai de Solférino, sur le thème du pain.
Pendant trois semaines (pour la plupart des expositions), cette manifestation gratuite parvient à fédérer ce quartier autour du médium, avec d’un côté des musées, institutions, centres culturels (irlandais et tchèque) et galeries proposant une programmation automne – dont certains présentent spécialement de la photographie pour participer au festival.
De l’autre, des initiatives originales et inédites produites ou coproduites par PhotoSaintGermain. « Ce qui nous tient à cœur, c’est d’être fidèles à l’esprit des lieux », reprend Aurélia Marcadier. En témoignent la participation d’écoles (Beaux-arts de Paris et Penninghen le premier week-end) en écho à ce quartier d’étudiants, des endroits emblématiques (galeries Berthet-Aittouarès, Gallimard, Le Minotaure & Kaléidoscope, Roger-Viollet, musées d’Histoire de la Médecine, Delacroix…) et des librairies (Les Alpes, delpire & co, 7L) pour n’en citer que quelques-uns.
Avec cinq nouveaux lieux, cette 13e édition poursuit l’ambition de surprendre en jouant la carte de la diversité et en misant sur l’originalité. Par exemple en s’installant dans les salons du Doyen de la Faculté de Pharmacie (Université Paris Cité), espace d’exposition atypique, avec « Années 1930 et modernité: l’âge d’or des revues médicales », sur une proposition de Zoé Isle de Beauchaine : « J’ai découvert la revue Art et médecine en faisant des recherches sur Germaine Krull et c’est ainsi que je me suis rendue compte que ces revues étaient nombreuses dans les années 1930, notamment Mieux Vivre qui dédiait chaque numéro à un loisir et Diversion, très audacieuse dans ses mises en page. »
L’exposition offre une plongée dans cette période où la presse accorde une place de plus en plus importante à la photographie et se donne les moyens en passant des commandes. Alternant revues originales présentées en tables-vitrines et facsimilés en papier peint au mur, la présentation est complétée par des tirages d’André Kertész, Roger Schall, François Kollar ou encore Laure Albin Guillot empruntés à la Médiathèque de l’architecture et de la photographie.
Après avoir traversé le jardin du Luxembourg, halte à l’Hôtel de la Louisiane, autre drôle de lieu pour une exposition : cela fait partie du charme et de l’expérience PhotoSaintGermain. Nous voilà dans la Salle Simone, baptisée ainsi en hommage à l’auteure du Deuxième Sexe. « Une programmation sur mesure », commente Aurélia Marcadier puisque sont présentés douze clichés de Antanas Sutkus, « le Cartier-Bresson lituanien » comme le prénomme Sonia Voss, la commissaire d’exposition. Le plus connu des photographes lituaniens est l’auteur de la célèbre image de Jean-Paul Sartre marchant le dos courbé (1965). Et l’on découvre avec étonnement que Simone de Beauvoir était à ses côtés. Petite mais passionnante exposition.
Au 3e étage, l’Hôtel de la Louisiane accueille aussi (du 7 au 10 novembre) dix présentations sous l’intitulé « Room service », un concept original initié il y a trois ans, où chaque artiste est invité à investir une chambre. Parmi eux, Emmanuelle Fructus/Un livre une image présente sa collection de plus de 30 000 clichés vernaculaires dont elle vient de faire don à la Société Française de Photographie pour la rendre accessibles aux chercheurs et historiens.
A quelques centaines de mètres, la micro galerie Zander nous donne rendez-vous avec cinq pépites de Robert Frank pour lui rendre hommage en cette année où il aurait eu cent ans. Parmi elles, une vue de Paris de 1944, annonciatrice de son style s’affranchissant des normes qu’il développera dans son célèbre ouvrage Les Américains qui paraîtra 14 ans plus tard où les passants – flous – ressemblent à des fantômes. « Ce sont des images moins connues issues de son livre Flower Is, publié au Japon en 1987, mêlant prises de vue de Paris, Detroit et New York notamment », explique Béatrice Andrieux, la directrice.
Au 12 de cette même rue Jacob qui accueillait autrefois les éditions du Seuil, changement d’ambiance chez Rubis Mécénas hors les murs, fidèle partenaire du festival. Le fonds de dotation présente Tshepiso Mazibuko & Sibusiso Bheka, deux photographes sud-africains émergents issus de son programme de mentorat Of Soul and Joy installé dans le township de Thokoza de Johannesbourg. Par son parti pris de mêler les images des deux artistes, en couleur et en noir et blanc, de jour et de nuit, et en rassemblant des séries réalisées sur plusieurs années, la commissaire Valérie Fougeirol entend « ne faire qu’une seule voix avec deux regards de deux artistes nés après l’apartheid qui explorent la vie quotidienne et rêvée de cette jeune démocratie qu’est l’Afrique du Sud ».
Toujours rue Jacob, au 48, la librairie Alain Brieux – une instituions dans le quartier –présente, au milieu des livres et des objets scientifiques et médicaux, Les Immortels, des images post mortem de la collection de l’artiste Hervé Bohnert. Après « Phénomènes. Les savants et les mystères de l’esprit » présenté l’année dernière dans le cadre du festival au Musée d’Histoire de la Médecine, le commissaire d’exposition Philippe Baudouin, passionné de curiosités et d’étrangetés, révèle pour la première fois au public 60 images sur les 600 pièces de cette collection. Réunissant des images des « photographies d’après-vie » des années 1850 à 1950, cette exposition articulée en cinq chapitres explore une pratique photographique autrefois en vogue aujourd’hui disparue. Étonnant parcours où l’on croise angelots et belles endormies qui s’achève par des photographies de veillées funèbres.
Enfin, autre point culminant de cette édition : Laura Ben Hayoun Stepanian, Lotfi Benyelles et Michel Slomka sont exposés à la galerie du Crous dans une coproduction de PhotoSaintGermain et du Centre National des Arts Plastiques (Cnap). Pascal Beausse et Aurélia Marcadier ont travaillé de concert pour cette seconde collaboration, mettant en lumière des lauréats des bourses de soutien à la photographie documentaire du Cnap. Autour du thème de la mémoire conduisant le spectateur d’Arménie à Alger en passant par Birkenau, l’exposition témoigne d’une grande diversité d’écritures documentaires, A l’image de cette 13e édition de PhotoSaintGermain, grandes et petites histoires s’entremêlent.
La 13e édition de PhotoSaintGermain dure jusqu’au 23 novembre 2024. Pour la plupart des expositions, voir dates précises sur le site du festival.
Evénements associés:
Le 9 novembre : La Nuit du Photojournalisme, événement présenté par la Fondation Carmignac, CatchLight, Dysturb et PhotoSaintGermain, avec discussions, débats, projections et musique tout au long de la nuit, à l’amphithéâtre Saint-Côme (5 Rue de l’École de Médecine, 75006 Paris).
A lire : SIMONE, le journal du festival (rédaction en chef de Matthieu Nicol/Too Many Pictures) est disponible gratuitement dans tous les lieux d’exposition.
Et aussi : Engagé dans le réseau LUX avec une vingtaine de festivals et de foires français, PhotoSaintGermain participe à la première exposition collective organisée par l’association à l’occasion de son lancement en présentant Pascal Amoyel. « Réseau Lux #1 », au 30-32 rue Louise-Émilie de la Tour d’Auvergne, 75009 Paris. Jusqu’au 8 décembre 2024.