Photographe, photo-journaliste et plongeur professionnel, Alexis Rosenfeld a voulu partager avec Blind la formidable aventure photographique, scientifique et humaine à laquelle il participe avec l’Unesco et la Fondation 1 Ocean : la rencontre avec la plus grande migration animale du monde au large de l’Afrique du Sud.
Membre de la dernière expédition du commandant Cousteau à Madagascar, il a pris part à l’épopée de la Comex (Compagnie maritime d’expertises) de Marseille ou encore participé à la découverte de l’épave de l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry. Il nous raconte ici, en textes et images, cette nouvelle aventure au cœur du miracle de la biodiversité marine.
Une des photos prises lors de la mission (voir ci-dessous) a d’ailleurs été élue meilleure photographie du mois de juillet par le célèbre magazine scientifique Nature. « Sur cette photo complètement dingue, Steven Surina en train de filmer se fait surprendre par deux Fous du Cap. J’ai la chance d’être là au bon moment », raconte le photographe.
Épisode 1 à retrouver ici.
Lundi 10 juillet 2023 – carnet de bord n°2 : Journée saut d’obstacles
« Depuis que la mission a débuté nous faisons des journées complètement folles, de très tôt le matin à tard le soir… Aujourd’hui encore on s’en est pris plein les mirettes. C’était la journée du saut d’obstacles pour les baleines. Je n’ai franchement jamais vu une baleine sauter autant de fois d’affilée. Il faut savoir que quand une baleine saute, elle déplace entre 20 et 30 tonnes avec elle. Ça dépense donc une énergie phénoménale.
Ce qu’il faut bien imaginer aussi, c’est que près de 20 000 baleines arrivent ici dans cette zone, elles viennent pour s’accoupler, mettre bas. Et l’objectif pour elles c’est quand même de dépenser le moins d’énergie possible. Mais aujourd’hui, pour la même baleine, j’ai eu facilement plus de 35 sauts. Les chercheurs m’ont expliqué que ces sauts témoignent d’une baleine contrariée et qui exprime son mécontentement. Et effectivement il y avait d’autres baleines toute autour : c’était la castagne.
J’ai essayé de faire des images un peu différentes parce que les sauts de baleines, on en a tous déjà vu. L’idée, c’était vraiment d’être dans une performance créatrice sur le cadre. J’ai essayé de cadrer le plus bas possible pour pouvoir vraiment donner toute cette dimension majestueuse à l’animal. Je cherche à offrir un autre regard, un regard décalé sur la photo animalière qui est extraordinaire ici, parce que tous les éléments sont réunis. C’est tout le défi, faire différemment de ce qui a déjà été fait.
L’autre complexité, c’est qu’on est sur un bateau. Ça bouge, il y a beaucoup d’embruns et il faut arriver à la fois à garder l’horizon, à faire le point où tu veux sur la baleine sans qu’il ne se fasse sur l’eau… Mais le plus dur, c’est d’anticiper où elle va sortir. Parce que ça, on ne sait pas, ça sort très vite. C’est ça un saut de baleine, même si c’est gigantesque, c’est deux secondes qu’il faut savoir saisir.
Et puis il y a les surprises photographiques. Un matin, la mer était agitée et le ciel fermé. Exceptionnellement, l’eau claire était au rendez-vous. Je plonge alors avec Armel Ruy qui est à la caméra. Nous sommes sur une grosse boule de sardine. Sous l’eau, tout va très vite, les oiseaux plongent et pêchent, les dauphins sont très actifs, ils sont une quinzaine à virevolter dans le banc de poissons. Je suis concentré sur cette action. Et là, sans prévenir, qui surgit de nulle part, bouche grande ouverte, un rorqual de Bryde vient engloutir la boule de sardines. Je n’ai vu qu’en déchargeant les fichiers sur l’ordinateur que j’avais fait cette photo ! »
À suivre…
La mission portée par l’équipe de 1 Ocean et l’Unesco est suivie par une équipe documentaire de la chaîne Arte. Deux documentaires seront réalisés par John Jackson et Thomas Labourasse, de Lacaz’a Productions.