Si vous avez manqué la première partie de ce reportage, cliquez ici.
La ville de Banská Štiavnica se trouve dans le centre de la Slovaquie. Cette ancienne ville minière d’environ 10 000 habitants a autrefois connu la fortune grâce aux métaux précieux trouvés dans les collines qui l’entourent. Aujourd’hui, elle repose sur le tourisme et les loisirs.
Alors que la guerre en Ukraine se poursuit sans relâche, ceux qui cherchent à échapper aux combats ont franchi les frontières pour se réfugier dans les pays voisins, dont la Slovaquie. Aujourd’hui, environ 150 réfugiés d’Ukraine résident à Banská Štiavnica. Leurs quêtes de sécurité ne sont pas toujours évidentes.
Le photographe Ismail Ferdous, correspondant spécial pour Blind, a passé plusieurs semaines à Banská Štiavnica pour documenter la vie et recueillir les histoires de ces réfugiés ukrainiens, ainsi que la façon dont ils arrivent à se sentir chez eux en Slovaquie.
Tatyana, ses deux filles Mariya et Anya, son fils Ivan, son mari Sergii et ses parents Ivan et Natalya sont tous venus à Banská Štiavnica après avoir fui la guerre en Ukraine. Avant le conflit, ils vivaient tous dans les environs de Kharkiv, au nord-est du pays.
Lorsqu’il éclate, Tatyana, son mari et ses enfants passent la première nuit de l’invasion blottis dans un abri anti-bombes. Le mari de Tatyana va rapidement refuser ces conditions de vie. La famille s’en va chez les parents de Tatyana, à l’extérieur de la ville. A mesure que les bombardements se poursuivent et que les soldats russes se rapprochent, ils décident de quitter la ville, alors que ses parents préfèrent eux rester.
Tatyan, son conjoint et ses enfants se retrouvent à Lviv, à l’ouest, à dormir dans un dortoir durant une semaine, tout en réfléchissant à leur futur. Lorsque l’aéroport de Lviv est bombardé, ils doivent à nouveau déménager. Ils envisagent bien de rester en Ukraine, mais n’ont aucune garantie qu’un endroit soit sûr.
Ils savent également que leurs économies ne vont pas durer aussi longtemps dans les pays occidentaux plus chers, comme la France, l’Italie ou l’Espagne. La famille prend donc la décision de rester dans un pays proche de l’Ukraine afin de pouvoir y retourner si nécessaire.
Leurs différentes options: la Pologne, la Slovaquie ou la Roumanie. Une après-midi, alors qu’ils sont encore à Lviv, Tatyana tombe sur un article indiquant que la Slovaquie est le pays le plus sûr parmi les pays limitrophes de l’Ukraine. Ils décident donc de s’y rendre.
Un trajet en voiture de 6 heures entre Lviv (Ukraine) à Kosice (Slovaquie). Alors qu’auparavant, ce trajet aurait été difficile à réaliser en voiture en raison des différences de législation et du passage des frontières, la guerre facilite leur périple. « Il y a une certaine différence entre un permis de conduire ukrainien et un permis international », explique la jeune femme. « Mais pour l’instant, il est possible d’aller à l’étranger avec un permis ukrainien. »
Les parents de Tatyana, restés à l’Est, vont eux aussi prendre un train de Kharkiv à la frontière ukrainienne en descendant d’Uzhorod, un centre de transit où il est possible de sortir de l’Ukraine par l’ouest. De là, ils vont prendre un bus jusqu’à la frontière slovaque, puis jusqu’à Kosice, où ils retrouveront Tatiana et sa famille.
Ensemble, ils feront le chemin jusqu’à Banská Štiavnica.
Bien qu’elle et sa famille soient aujourd’hui en sécurité, les effets psychologiques de la guerre en Ukraine les poursuivent en Slovaquie, loin des lignes de front. Pétrie d’angoisse, Tatyana tente de faire bonne figure devant ses enfants et se refuse à craquer devant eux. Elle essaie de ne pas penser au passé, à ce qui a été et ne sera plus. « Parce qu’à un moment donné, nous croyons en notre armée, et que tout ira bien », dit Tatyana. « L’Ukraine sera un pays fort. Après tout, le monde nous soutient. Mais parfois, d’un jour à l’autre, on se sent totalement dévasté. »
Sa propre histoire, Tatyana a du mal à la raconter, estimant qu’elle est loin d’être aussi grave que celles d’autres, ne voulant pas détourner l’attention de ces histoires. Elle explique que lorsqu’ils ont quitté Kharkiv, au début, ils ont eu peur. Ils ont rassemblé ce qu’ils pouvaient et sont partis. C’est parce qu’ils savaient qu’ils allaient se diriger loin des combats et vers une vie plus normale qu’ils ont trouvé facile de faire leurs bagages rapidement.
Lorsque Tatyana parle à ses amis qui sont encore en Ukraine, ils lui racontent des histoires horribles sur les événements dans le pays. Elle entend parler des bombes qui détruisent les maisons de ses amis et de ses voisins, et de la dévastation qui se poursuit. Ces nouvelles l’accablent, d’autant plus qu’elle et sa famille sont loin les uns des autres.
Il y a également ceux qui tendent la main pour aider ceux comme Tatyana et sa famille.
À Banská Štiavnica, Tatyana et sa famille ont d’abord vécu à l’hôtel Grand Matej, avant de pouvoir quitter l’hôtel pour un logement. Ils ont été aidés par Martin Macharik, membre du parlement de la ville et responsable d’une ONG, qui s’efforce d’aider les personnes qui arrivent en ville à s’intégrer pleinement à la vie de Banská Štiavnica.
M. Macharik et son équipe de bénévoles s’efforcent depuis plusieurs mois de trouver des familles de réfugiés, d’aider leurs enfants à aller à l’école, de donner des cours de slovaque et d’anglais, d’organiser des événements pour rassembler la communauté locale et lui permettre de rencontrer les réfugiés ukrainiens, et de faire visiter la ville pour enseigner son histoire afin que les nouveaux arrivants aient le sentiment de connaître l’endroit où ils vivent.
En plus de trouver des logements pour les réfugiés en ville, Martin Macharik et son équipe les aident également à s’installer en trouvant des meubles et d’autres articles ménagers pour que les appartements, habituellement vides, deviennent des foyers pour les personnes qui y séjournent. Certains propriétaires ont également mis à disposition des appartements pour aider à loger les familles de réfugiés.
Rien de tout cela ne peut effacer la douleur et le stress présents dans l’esprit des réfugiés ukrainiens, quel que soit le déroulement de leur voyage, quelle que soit la durée de leur expatriation. Chacun d’entre eux emporte avec lui sa propre expérience, sa propre douleur et sa propre histoire. Mais l’accueil bienveillant des habitants de Banská Štiavnica contribue grandement à apaiser les esprits. Se faisant, et tout en écoutant les histoires des réfugiés, Martin Macharik et ses volontaires, ainsi que le reste des habitants de la ville, travaillent réellement à rassembler tout le monde à Banská Štiavnica.