Jusqu’au 31 août 2024, Action contre la Faim invite les photographes, vidéastes, dessinateur.trice.s et créateur.trice.s de contenus à participer à la seconde édition de sa Bourse multimédia pour un nouveau regard humanitaire.
Cette bourse, d’un montant de 10 000 euros, est pensée pour être un lieu d’exploration de nouveaux procédés narratifs et iconographiques. Elle invite les participant·e·s à proposer des écritures novatrices, des formes de restitution originales et inattendues et de nourrir l’évolution du langage iconographique dans le domaine humanitaire.
Blind s’est entretenu avec Giulietta Palumbo, directrice éditoriale chez Magnum Photos, et membre du jury.
Quelle a été votre motivation pour figurer dans le jury de la Bourse pour un nouveau regard humanitaire d’Action contre la Faim ?
Magnum Photos et Action contre la Faim partagent une mission commune de sensibilisation et d’engagement social, dans un contexte de crise qui touche les populations les plus vulnérables. Magnum Photos, en tant qu’agence de photographie documentaire, travaille pour questionner le présent et le futur via des reportages photographiques. Action contre la Faim, en tant qu’ONG mène des actions sur le terrain. Les photographes et les humanitaires se retrouvent souvent sur ce même terrain, l’un à côté de l’autre, avec les moyens que chacun d’eux possède pour tenter de changer les choses. La photographie humanitaire a pourtant besoin d’un changement. On est trop anesthésiés par des images de crises, et trop méfiants envers toute l’imagerie qui est aujourd’hui créée sans contrôle ni conscience. Dans ce contexte, le soutien à des nouvelles productions documentaires de long-cours et indépendantes est clé.
Participer à ce jury permet de soutenir des travaux documentaires qui mettent en lumière des problématiques humanitaires cruciales, de manière différente, sincère et plus impactante. C’est une bourse pour un nouveau regard humanitaire, et cette nouveauté est nécessaire. Les crises ne font que se multiplier, alors que l’engagement de ceux qui reçoivent les informations qui y sont liées ne fait que diminuer. Je crois profondément que la photographie doit jouer un rôle fondamental dans cette faillite de l’engagement des peuples aisés pour les plus faibles.
L’agence Magnum Photos y tient-elle un rôle particulier ?
Pas dans la bourse en soit.. Mais Magnum Photos joue un rôle important en utilisant la puissance de la photographie pour documenter, sensibiliser et influencer l’action humanitaire. Son engagement pour la vérité, l’éthique, et l’innovation fait de l’agence un acteur clé dans le domaine de la photographie documentaire, capable de faire une différence significative dans la manière dont les histoires humaines sont racontées et perçues.
Pouvez-vous résumer ce que vous défendez au quotidien dans votre travail?
En résumé, mon travail a Magnum consiste à défendre et à promouvoir une photographie documentaire de qualité qui est à la fois esthétiquement puissante et socialement engagée, tout en soutenant les photographes et en veillant à des pratiques éthiques et responsables. Je travaille entre les photographes et les partenaires.
Cette Bourse est pensée pour être un lieu d’exploration de nouveaux procédés narratifs et iconographiques. Ces dernières années, comment avez-vous vu évoluer la manière de raconter des histoires visuelles ?
Ces dernières années, la manière de raconter des histoires visuelles a considérablement évolué, influencée par des avancées technologiques, des changements culturels et des nouvelles attentes du public.
Ce n’est pas nouveau, les deux dernières générations ont vu les plateformes comme Instagram, Facebook, et TikTok révolutionner la diffusion des histoires visuelles, permettant une distribution instantanée à une audience mondiale. Les photographes et les journalistes utilisent ces plateformes pour partager leurs travaux en temps réel et interagir directement avec le public. La dernière décennie a aussi vu l’arrivée de la réalité virtuelle (VR), la réalité augmentée (AR), les vidéos à 360 degrés, des technologies qui offrent de nouvelles façons de raconter des histoires en brisant les frontières traditionnelles de la photographie. Les histoires visuelles deviennent de plus en plus collaboratives, avec une participation accrue des sujets photographiés et des communautés. Cette approche participative donne une voix aux personnes photographiées et enrichit la narration en incluant leurs perspectives et expériences.
Le multimédia est devenu nécessairement un transmedia, c’est rare aujourd’hui de voir une histoire racontée avec simplicité. Le faire est devenu un acte courageux. La narration, la technique, ce besoin de transmedia, semble avoir plus d’importance que l’histoire en soit. La photographie semble affaiblie dans cet univers régi par de nouvelles façons de raconter des histoires.
Pourquoi est-ce important de postuler à cette bourse ?
C’est une opportunité précieuse pour les photographes. Elle leur permet de réaliser des projets ambitieux, d’être libres d’innover dans leurs approches narratives tout en ayant un but : celui d’avoir impact et d’apporter leur contribution à des causes humanitaires.
Pourquoi le travail humanitaire ou l’action humanitaire est-il important à l’heure actuelle ?
Le travail humanitaire a toujours été, et sera toujours, une action clé dans toutes les sociétés modernes pour soutenir le bien commun.
Comment définiriez-vous une bonne image humanitaire ?
L’image humanitaire est par définition une image militante. Dans notre culture visuelle occidentale, une image humanitaire est une image qui vise à sensibiliser sur un sujet. L’humanitaire croise souvent la route du journalisme, mais il n’en est pas. Il est très important de souligner ce point : les journalistes tentent – ou devraient tenter – d’être les premiers témoins impartiaux de l’histoire. L’image humanitaire, de son côté, témoigne mais prend partie.
Une bonne image humanitaire doit prendre le temps de raconter une histoire, de questionner ce qui est laissé hors du cadre de l’image. Aujourd’hui, on ne peut plus laisser une image illustrant un acte humanitaire imposer une vérité par sa simple existence. Il faut qu’elle soit en mesure de développer cette vérité.
Pour plus d’informations sur la Bourse multimédia pour un nouveau regard humanitaire d’Action contre la Faim, cliquez sur ce lien.
Pour candidater, remplissez le formulaire accessible sur ce lien.
Appel à projets ouvert du 31 mai 2024 au 31 août 2024 à minuit.
Calendrier de la Bourse:
- Du 31 mai au 31 août 2024: appel à candidatures
- Du 1er septembre au 18 septembre 2024: sélection des finalistes
- Du 25 septembre au 15 octobre 2024: entretien avec les les candidat·e·s présélectionné·e·s
- Octobre 2024: annonce du résultat
- Octobre 2025: exposition du travail réalisé