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Là où la ville n’en finit pas 

Le photographe Valentino Bellini parle de son projet La Mancha Urbana, « L’étalement urbain », dont le chapitre consacré à La Paz, en Bolivie, est récemment devenu une série NFT.

Les paysages de cette série se situent à la frontière entre le monde rural et le monde urbain. Comment avez-vous eu cette idée ?

L’intérêt pour la frontière entre le monde naturel et l’agression anthropique est né quand j’étais jeune.  Adolescent, je jouais beaucoup à des jeux vidéo comme SimCity, puis j’ai étudié l’urbanisme à l’université, en analysant la ville comme un organisme et en abordant les problèmes en fonction de la façon dont la cité est pensée. 

Valentino Bellini
© Valentino Bellini

Qu’avez-vous appris de SimCity ?

J’ai surtout compris l’importance d’une répartition équilibrée des services dans le développement urbain. Tous les services, comme la police, les pompiers ou le ramassage des ordures, ont une zone d’influence. Les problèmes commencent quand cette zone est peuplée par un nombre de personnes supérieur à celui pour lequel les services sont prévus, ou si la zone urbaine commence à s’étendre de manière informelle en dehors du territoire où ces services sont garantis.

Ce projet vous a mené à Mexico et La Paz, et vous êtes actuellement à Bogota. Pourquoi l’Amérique centrale et du Sud ?

La région connaît un fort phénomène d’urbanisation, avec un certain retard par rapport à l’Europe ou l’Asie par exemple, et je recherche des phénomènes d’expansion urbaine récente. En Bolivie, l’agriculture a toujours occupé une place prépondérante, mais aujourd’hui, la combinaison du changement climatique et de l’accent mis sur l’exportation des produits agricoles a entraîné la ruine des paysans, qui affluent vers les villes à la recherche d’emplois, s’installant là où ils trouvent une place.

Valentino Bellini
© Valentino Bellini

Quels défis représentent ce phénomène dans la vie des gens ?

Les problèmes géologiques et hydrogéologiques sont courants. L’une de ces photos de La Paz montre une colline verte qui s’élève sur le côté droit du cadre. Quelques mois avant que je prenne la photo, elle était recouverte de maisons, emportées à cause d’une saison des pluies particulièrement redoutable. Elles n’étaient pas censées être construites ainsi sur ce terrain escarpé, et vous pouvez encore voir sur la droite un bâtiment désormais incliné parce qu’il s’est enfoncé dans le sol. 

Et puis il y a la discrimination de classe et raciale liée à la vie dans ces zones nouvelles. Les gens se sentent différents parce qu’ils se savent discriminés par le gouvernement, et n’ont pas droit à certains services.

Valentino Bellini
© Valentino Bellini

On ne voit presque jamais de gens dans cette série. Pourquoi ce choix ?

Je voulais que l’accent soit mis sur l’architecture et l’environnement, et je sais qu’une présence humaine peut distraire le spectateur. J’ai donc réduit cette présence au minimum, attendant que le paysage soit presque désert avant de prendre mes photos. 

Pourquoi avoir réalisé une série de NFT avec ces images ?

Je suis convaincu que dans un avenir pas si lointain, il y aura de plus en plus d’espaces virtuels, à l’instar des courriers électroniques ou des réseaux sociaux.  Au début, tout en affirmant que nous ne ressentions pas le besoin de les utiliser, nous étions déjà immergés. 

Le marché de la NFT est relativement récent et nous connaissons beaucoup de nouveaux services pour les artistes et les investisseurs afin de pouvoir utiliser les collections d’art numérique. J’aimerais offrir un espace virtuel où présenter mon travail et, en même temps, sensibiliser le public à la question de l’urbanisation au moyen de cartes et d’écrits universitaires. Je travaille avec des chercheurs de l’université de Sheffield et j’utilise Oncyber pour concevoir l’espace. Si j’organise une exposition dans une galerie « réelle », j’aurai également cet espace virtuel où le public pourra en apprendre plus, ou acheter les photos sous forme de NFT.

Valentino Bellini
© Valentino Bellini

Vous avez toujours travaillé comme imprimeur professionnel parallèlement à votre carrière de photographe. En quoi ces deux univers se rejoignent-ils ? 

Je vois un NFT comme une pièce à tirage limité existant à côté des pièces physiques de la même image, qui peuvent avoir leur propre édition.

Les acheteurs du monde de l’art et de NFT sont aussi très différents. Dans le monde de l’art, il s’agit généralement de collectionneurs qui peuvent aimer votre œuvre, l’accrocher au mur et savoir la situer dans la photographie contemporaine, tandis que les acheteurs de NFT sont des investisseurs qui, en général, ne connaissent pas grand-chose à l’art mais suivent les tendances du marché et achètent dans le but de revendre. 

Pensez-vous que la curation soit nécessaire dans le monde des NFT ? 

D’un côté, la beauté de la chose réside dans la possibilité d’éviter les gardiens du temple. De l’autre, j’ai parfois l’impression qu’une curation est nécessaire, sinon les NFT qui se vendront seront toujours ceux qui deviendront viraux pour de mauvaises raisons, et pas très intéressants d’un point de vue photographique ou culturel. Il existe des plates-formes de conservation qui ont commencé à faire du bon travail et sont capables d’orienter les nouveaux investisseurs qui commencent tout juste à se familiariser avec la photographie. J’ai frappé mes NFT avec Foundation par exemple, mais il en existe d’autres comme Assembly, Obscura ou Quantum.

Valentino Bellini
© Valentino Bellini

Quel est l’avantage de créer des collections de NFT par rapport à la frappe de NFT uniques ?

En créant une série, on est assuré d’en vendre plus si un certain corpus d’œuvres commence à attirer l’attention. Et cela peut aussi attirer une communauté autour du projet. 

Les DAO (organisations autonomes décentralisées) par exemple, sont des communautés dont les membres, souvent dispersés dans le monde entier, achètent des jetons qui leur permettent de voter sur la façon dont l’argent est gérée. En tant que membre d’une DAO, vous pouvez prendre des décisions avec d’autres personnes sur la manière de développer un projet, d’impliquer d’autres partenaires ou de dépenser les bénéfices dans de nouveaux investissements.   

Quel conseil donneriez-vous aux photographes qui souhaitent se lancer sur le

marché des NFT ?

J’ai le sentiment que, d’une certaine manière, la photographie numérique n’est vraiment née qu’avec les NFT, car jusqu’alors, nous avons passé des décennies à produire des images dans un environnement numérique que nous n’étions pas en mesure de contrôler. Avec les NFT, le photographe s’assure des droits d’auteur à vie et perçoit une commission sur chaque revente, ce qui n’a jamais été le cas auparavant. En tant qu’acheteur, on peut faire confiance au caractère unique de l’œuvre et être sûr de l’identité du créateur, ce qui était également plus difficile à prouver jusqu’à présent. Je pense que les opportunités pour les photographes sont bien réelles, mais avant de se lancer dans ce nouveau monde, il est important de l’étudier et de comprendre en détail comment il fonctionne. C’est la condition pour tirer le meilleur parti de cette nouvelle technologie.

Valentino Bellini
© Valentino Bellini

Les NFT de la série La mancha Urbana de Valentino Bellini sont disponibles à la vente sur Foundation.

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