Lors du deuxième match des World Series de 1977 (finale du championnat de baseball américain) opposant les Yankees de New York aux Dodgers de Los Angeles dans le Yankee Stadium de New York, la retransmission du match est interrompue par un départ d’incendie. Le présentateur Howard Cosell déclare alors aux téléspectateurs : « Mesdames et Messieurs, le Bronx est en feu. »
Passée à la postérité, cette phrase est devenue le titre de livres et d’émissions TV, et elle est gravée dans l’esprit de ceux qui ont vécu l’événement et l’ont raconté aux jeunes générations. Une simple phrase qui a continué à alimenter l’idée que le Bronx est un endroit où règne le crime, le vice, et qu’il vaut mieux l’éviter, au risque d’y laisser sa peau.
D’autant plus qu’Howard Cosell n’a jamais prononcé la fameuse phrase durant l’émission. Comme c’est souvent le cas à propos du Bronx, le quartier est victime de sa légende. Mais il possède bien d’autres facettes méconnues.
L’exposition présentée au Bronx Documentary Center (BDC) jusqu’au 14 mai explore ce quartier new-yorkais à travers le travail des photographes durant le projet Everyday Bronx, visant à changer son image.
Everyday Bronx (@EverydayBronx) est un compte Instagram qui s’efforce de saisir la complexité, les nuances de la vie que l’on y mène. À l’heure actuelle, il compte plus de 48 000 abonnés. Il s’intègre à The Everyday Projects, une initiative internationale visant à donner une voix à ceux qui vivent au quotidien dans un lieu donné, et à promouvoir un style de narration collectif et populaire.
Rhynna M. Santos (@rhynnasantos) est une artiste, une photographe documentaire et une enseignante. Elle est née à Porto Rico, vit et travaille dans le Bronx, et coordonne Everyday Bronx, qui était à l’origine un outil éducatif destinés aux élèves du primaire. Elle dirige à présent une équipe de bénévoles de cinq membres.
« Au début, je ne savais pas trop comment gérer ce genre de compte », raconte-t-elle. « J’ai dû apprendre rapidement comment tout cela fonctionnait, la manière de transmettre l’actualité. A l’origine, le hashtag #bronx ou tous ceux qui avaient pour thème le Bronx étaient utilisés pour commenter des réalités abjectes. Je savais que je devais faire quelque chose pour changer cela. »
Rhynna M. Santos s’entoure ensuite d’autres photographes partageant l’initiative. « J’ai d’abord trouvé des bénévoles de la Bronx Photo League, un groupe de photographes du Bronx. Quand j’ai voulu agrandir l’équipe, je me suis tournée vers nos contributeurs », explique-t-elle. « Je les ai interviewés pour voir si leur vision du Bronx correspondait à notre mission. »
« Je voulais créer un espace où les habitants puissent tisser des liens les uns avec les autres »
Rhynna M. Santos
Le but : utiliser ces posts Instagram pour contrer les innombrables stéréotypes négatifs sur le Bronx, et créer des archives en ligne sur la vie des habitants. « Je voulais que ce soit la principale source des actualités à propos du Bronx. Pour montrer aux habitants et au monde entier la réalité et la complexité de la vie ici… je voulais créer un espace où les habitants puissent tisser des liens les uns avec les autres. »
Sur le conseil du photographe Jamel Shabazz, Tara Garcia (@fotosfinos) a créé un compte Instagram pour donner de la visibilité à son travail photographique sur le Bronx. Elle raconte comment elle a intégré le projet Everyday Bronx : « J’ai commencé à poster des images sous le pseudonyme de @fotosfinos en utilisant le hashtag du Bronx. Une participante à Everyday Bronx a repéré une photo, et une fois que j’ai pris connaissance de ce projet, j’ai été époustouflée par toute la belle énergie de cette communauté. Par l’engagement des contributeurs, l’équipe de coordination, leur incroyable travail, en termes de cohérence et d’équité. C’est un travail plein d’amour, et ça se sent. »
À l’occasion de l’exposition, le Bronx Documentary Center (un centre photographique très respecté aux Etats-Unis) a collaboré avec Rhynna M. Santos pour présenter plus de trois cents photographies postées par Everyday Bronx, dont cent quarante tirages et vidéos. Les photos et les vidéos contribuent à dépeindre le vrai Bronx, à dissiper les idées fausses sur le quartier, et à en faire une chronique authentique, au fil des images.
Rhynna M. Santos espère que l’exposition permettra aux spectateurs de percevoir toute l’humanité des habitants du Bronx. « J’aimerais que les gens retiennent des photos présentées dans cette exposition à quel point les gens du Bronx sont beaux, complexes, créatifs, tendres et forts. La manière magnifique dont ils évoquent leurs propres histoires. Que les spectateurs reviennent sur leurs idées à propos du Bronx et des gens qui vivent ici. »
« J’espère que lorsqu’on verra mon travail, on verra le Bronx avec mes yeux »
Shammara McKay
Shammara McKay (@sheshootsny), une autre contributrice au projet, est du même avis. « Je veux que l’on sache qu’il y a de l’humanité ici ; que ces quartiers sont habités par des gens très divers, qui ont chacun leurs expériences, et que cette diversité enrichit la communauté. Le Bronx est loin d’être un endroit insipide, il a beaucoup de personnalité… Quand on y regarde de plus près, il y a tellement de choses à y découvrir. »
« Everyday Bronx » est présentée au Bronx Documentary center jusqu’au 14 mai 2023. Pour des informations sur les horaires et l’accès, rendez-vous sur le site Web du BDC.
