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Au début des années 1970, Madeleine de Sinéty tombe sous le charme d’un village qui réveille ses souvenirs d’enfance à la campagne. Poilley, 500 habitants, situé à 60 kilomètres au nord de Rennes, s’organise autour de son clocher de granit et de ses maisons de pierre. Une vingtaine de fermes s’éparpillent aux alentours du bourg.
« Le 1er juillet 1972, alors que je remontais vers Paris après un voyage dans le sud de la Bretagne, je me trouvai soudain bloquée par le flot des Parisiens se précipitant sur la côte en ce premier jour de vacances », raconte-t-elle dans Un Village, paru ce mois-ci. « Je quittai la nationale encombrée pour une petite route de campagne et décidai de m’arrêter pour la nuit dans le village le plus perdu que je puisse trouver. »
Le temps semble s’y être arrêté. Sur un coup de tête, Madeleine de Sinéty s’y installe de 1972 à 1981. Très vite, elle se lie d’amitié avec plusieurs familles de paysans qu’elle photographie avec proximité, dans leurs tâches et leur vie quotidiennes. De temps à autre, elle invite tout le monde à une projection de diapositives. « Il fallait alors transporter depuis l’église, jusqu’à la salle des fêtes au plancher en terre battue, assez de bancs pour asseoir tous ceux qui venaient admirer, au milieu des cris et des rires, leur propre vie, leur travail de tous les jours, étonnés de trouver cela si beau. »
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À Poilley, Madeleine de Sinéty a produit 33 280 diapositives couleur et 23 076 négatifs noir et blanc, ainsi qu’un journal intime de plusieurs centaines de pages, fruit de ses rencontres diverses et intimes avec ces habitants. Elle nous montre avec tendresse les couleurs d’une France surannée, les images prises sur le vif d’une communauté soudée, avec ses rituels et ses moments forts : labour, récolte des foins, mariages, match de football dans la boue, cueillette des pommes, classe de mathématiques, fêtes de village, découpage du cochon, au rythme des saisons.
En 1981, elle quitte Poilley pour aller vivre aux États-Unis, après avoir épousé un Américain, Daniel Behrman, en 1978. Elle vit d’abord en Californie avant de s’installer dans le Maine, participant notamment aux ateliers du Maine Photo Workshop avec les célèbres photographes Mary Ellen Mark, Lucien Clergue et Arnold Newman, tout poursuivant son travail personnel. Mary Ellen Mark, qui a été l’un des mentors de Madeleine de Sinéty, a d’ailleurs contribué à l’exposition du Portland Museum of Art en 2011 sur ses images de campagne en Afrique, Europe et Amérique, organisée peu de temps avant sa mort.
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Cette publication posthume, qui s’est accompagnée d’une exposition à Guingamp, est pour le milieu de la photo française une grande redécouverte. Madeleine de Sinéty n’a pas connu le même anonymat aux États-Unis où elle alle a participé notamment aux ateliers du Maine Photo Workshop au côté des célèbres photographes Mary Ellen Mark, Lucien Clergue et Arnold Newman, tout en poursuivant son travail personnel. Mary Ellen Mark, l’un des mentors de Madeleine de Sinéty, a d’ailleurs contribué à une exposition du Portland Museum of Art en 2011 sur ses images de campagne en Afrique, Europe et Amérique.
Avant son décès, la même année, Madeleine de Sinéty avait pu retourner à Poilley. En 1990, les villageois avaient organisé une soirée de divertissement musical et collecté de quoi lui offrir un billet d’avion aller-retour. Dans un article publié en août 2000 dans le magazine américain Photo District News, la photographe avait alors déclaré : « Je savais que c’était ma place, ma famille, ma raison d’être. J’aime être ici et voir le temps passer sur les visages des gens. »
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Madeleine de Sinéty, Un village
18 septembre 2020 – 17 janvier 2021
Centre d’art GwinZegal
4 Rue Auguste Pavie
22200 Guingamp
https://gwinzegal.com/
Livre publié aux Éditions GwinZegal
35€
https://gwinzegal.com/editions/madeleine-de-sinety-une-village