Exposées à la galerie Camera Obscura en fin d’année dernière, ces photographies de Patrick Taberna, membre de l’agence VU’, font aussi l’objet d’un ouvrage publié aux éditions Contrejour.
Elles ont d’abord occupé une place dans l’amour qui le lie à Sylvie, le photographe et sa compagne posant devant son objectif lors de voyages, comme en mer du Nord, en Italie ou en Grèce.
Des séjours que Patrick Taberna explique avoir été guidés par d’autres amours, littéraires et photographiques : Nicolas Bouvier, Bernard Plossu, Robert Frank… Petit à petit, ce sont alors ses enfants, Clément et Héloïse, qui ont rejoint leurs parents sur les images, dessinant une simple et belle histoire de famille.
Une histoire qui ressemble à celle de n’importe quelle famille, où le temps passe, les êtres grandissent, vieillissent, les moments attendrissants se succèdent, avec poésie.
Racontez-nous un peu la trame de ce livre ?
Le livre est composé de 4 parties, 4 mouvements, consacrés aux 4 membres de la famille, mon fils Clément, ma fille Héloïse, ma femme Sylvie et moi même. Chaque chapitre commence par une image d’un format réduit, puis suivent un ensemble de photographies qui évoquent la personne en une sorte de portrait chinois.
Ces images sont-elles toutes des photos de vacances ?
Ce sont plutôt des photos faites pendant les vacances. Des moments de ma vie où je suis entièrement disponible à la photographie et où de nouveaux paysages s’offrent à moi. Du coup, mon œil est en éveil.
Il y a beaucoup de douceur dans ces photographies. Est-ce une façon d’entrevoir votre vie ?
Mes proches sont un refuge… d’où cette douceur, ce sentiment de réconfort, de plénitude qui émanent souvent de mes photos. Et puis, même si je suis conscient de la fragilité de la vie, j’ai envie d’en célébrer la beauté qui se niche jusque dans les petits détails du quotidien… C’est mon côté optimiste auquel j’essaie de m’accrocher le plus possible même si tout nous pousse à vivre dans la peur, de l’autre, de l’avenir. C’est finalement une forme de résistance au mal-être ambiant.
Sur de nombreuses photos, les personnages sont de dos, ou l’on n’aperçoit qu’une seule partie de leur corps. Quelle est l’intention ?
Montrer des gens de dos dans une image est une manière de préserver une part de mystère. Les personnes qui les regardent peuvent alors s’y projeter, imaginer leur propre histoire. Ce que j’aime dans la photographie, c’est que le regard peut aller bien au-delà de l’image que l’on a sous les yeux. Je considère mes photos comme des petites graines que je sème et qui s’épanouiront dans la tête des gens. Je suis dans cette lignée de photographes qui suggèrent plus qu’ils ne montrent (Bernard Plossu, Yamamoto Masao, Raymond Meeks …).
Ces images parlent-elles plus de vous ou de vos proches ?
C’est un mixte. Bien sûr, ce sont mes proches qui apparaissent sur les photos mais j’y mets aussi mes humeurs, mes sentiments… Comme je le disais précédemment, je souhaiterais que mes images parlent aussi de chaque personne qui les regarde.
Didier Brousse, directeur de la galerie Camera Obscura, parle du Lubitel dans l’introduction du livre. Est ce l’appareil que vous avez utilisé pour toutes les images ?
Le Lubitel et moi, c’est une longue histoire d’amour. Un appareil, tout ce qu’il y a de plus rudimentaire et d’essentiel en photographie (diaphragme, vitesse, mise au point et cadrage), très léger avec lequel je prends des photographies au vol, dans un seul geste. C’est ce qui me permet de continuer à photographier mes proches sans que cela pèse trop sur la vie de famille. Ces dernières années, j’ai fait quelques infidélités à mon Lubitel avec de très beaux Rolleiflex, mais, en fin de compte, je me sens plus en harmonie avec mon vieux Lubitel.
Quelle est votre expérience de la conception du livre avec les éditions Contrejour ?
Une très bonne expérience. Un rendez-vous en décembre 2021, sous le soleil de Biarritz, avec Isabelle et Claude Nori. Puis des échanges, propositions de textes de maquettes entre Biarritz, l’Ardèche (Didier Brousse) et Paris (Moi) pendant l’hiver et le printemps. L’occasion d’une belle rencontre : Albin de la Simone. Un beau livre en novembre 2022. Que demander de plus ?
Que disent les gens à propos de vos images ?
De l’exposition à la galerie Camera Obscura (qui a eu lieu jusqu’au 24 décembre), j’ai de très bons retours. Les gens me disent que ces images leur font du bien. C’est beaucoup, ça vaut la peine de continuer je pense.
Est ce que vous vivez de vos images ?
Non, vivre de ce type d’images est difficile. Les ventes de tirages me permettent juste de financer une partie des nouveaux tirages et de continuer ce travail. Et encore, ça dépend des années. Je fais bouillir la marmite avec mon travail d’informaticien, c’est ce qui me permet de financer ma passion, et qui me donne une liberté dans la façon dont je vis avec la photographie.
Patrick Taberna, Nos vies partagées. Publié aux éditions Contrejour, 35 euros.
Patrick Taberna est représenté par la galerie Camera Obscura, à Paris, où ces photographies ont été exposées jusqu’au 24 décembre 2022.