Après les décennies de prospérité liées au développement des transports maritimes et à l’industrie, le légendaire front de mer et le quartier industriel de New York le long du fleuve Hudson s’est peu à peu délité.
Au milieu des années 1970, le déclin financier de la ville se fait sentir. Les projets publics sont interrompus, et les espaces municipaux, comme le quartier de West Side Piers, tombent en ruines, certains bâtiment s’effondrant littéralement dans le fleuve Hudson. En 1977, la pollution du cours d’eau atteint un degré tel que l’Agence de protection de l’environnement considère qu’elle a atteint le stade de site toxique.
Mais la nature a horreur du vide. En particulier à New York. Située dans le West Village, Christopher Street devient au cours des premières années de la gay pride l’épicentre de la communauté LGBTQ de la ville. Un lieu de rassemblement, de connexion et de construction de l’identité des queers new-yorkais. C’est un lieu où s’exprime la sexualité gay, cachée à la vue de tous, alors qu’éclatent les émeutes de Stonewall et le début de l’épidémie de sida.
Après s’être senti comme un étranger durant la majeure partie de sa jeunesse, le photographe américain Stanley Stellar, originaire de Brooklyn, éprouve un sentiment de paix sur Christopher Street, parmi les personnes queer et trans. Jusque-là, il a lutté pour trouver sa place, à la fois dans son quartier et dans la sphère du divertissement et des médias. À l’époque, l’homosexualité est criminalisée, pathologisée et ridiculisée, beaucoup étant forcés à vivre une double vie pour se protéger des persécutions.
Préserver l’histoire de l’art
Dans sa jeunesse, Stanley Stellar trouve un réconfort dans les photographies des magazines imprimées sur papier glacé, et sa passion pour l’édition le conduit à devenir directeur artistique de magazine. Avec toujours cette envie de montrer « l’amour qui n’ose pas dire son nom » – à la fois dans les représentations sans détours de l’amour, du désir et de l’identité queer, ainsi dans les œuvres des grands artistes queer qui l’ont précédé.
En 1976, Stellar achète son premier appareil photo. Il parcourt les rues, attiré par la beauté de la découverte et la quête du plaisir. Dans l’ouvrage qui vient de paraître, Stanley Stellar: The Piers, le photographe a rassemblé plus de 70 documents, portraits et photographies de rue, réalisés dans ce légendaire lieu de drague de New York entre fin 1970 et fin 1980, avant que les structures du quartier ne soient finalement démolies.
Le long effritement de West Side Piers a transformé ces digues en une scène de théâtre, où se mêlent les intrigues, le mystère, le spectacle et l’amour. Comme ses contemporains – Peter Hujar, David Wojnarowicz, Keith Haring, Gordon Matta-Clark ou Alvin Baltrop -, Stellar a été attiré par les Piers comme par un espace de liberté, d’expérimentation et d’exploration.
« Tout n’était pas facile, mais c’est devenu addictif », raconte Stanley Stellar dans le livre. « J’ai fini par rencontrer des gens qui traînaient là-bas, qui étaient tout aussi accros que moi à ce lieu. Connaître un photographe dans les années 1970 et 1980, connaître quelqu’un en qui vous pouviez avoir confiance, qui prenait des photos de vous c’est toute une histoire… L’histoire de la photographie et de la nudité masculine. C’est inscrit en nous. C’est tellement essentiel. »
Stanley Stellar: The Piers est publié par Szaransky Print Co. et Kapp Kapp, 60,00 $.