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Remote Népal: six semaines en autonomie dans une région reculée du monde

Samuel Urtado, Bertrand Courtot et Clément Cangiano, trois copains habitués des grandes courses en montagne, ont parcouru durant six semaines le Far West Népalais, l’une des régions les plus isolées de la planète et ancrée dans la tradition. Au-delà de leur performance et des souvenirs, ils ont rapporté de belles images de leur périple dans les montagnes himalayennes.

Il existe sur notre planète une petite bande de terre déchiquetée, prise en tenaille entre les deux pays les plus peuplés du monde, l’Inde et la Chine. Ces deux nations exercent une pression permanente sur le Népal, qui fait office de cousin pauvre. Ce petit pays vit pourtant en forte autonomie, avec un peuple d’une humanité exceptionnelle.

Le nord du pays est délimité du Tibet par la chaîne himalayenne qui accueille les plus hauts sommets du monde, tandis que le four du Terraï, beaucoup plus bas en altitude au Sud, fait office de frontière avec l’Inde, non loin du Gange. « Le Népal appartient au monde indien », explique Blandine Ripert, chercheuse au CNRS. « Sa frontière avec l’Inde est ouverte (et non sécurisée) depuis le Traité de paix et d’amitié liant les deux pays en 1950, ce qui permet à de nombreux travailleurs de passer d’un pays à l’autre sans visa : ces mobilités participent à la forte dépendance économique du Népal vis-à-vis de l’Inde. L’influence culturelle et religieuse de l’Inde est ancienne, notamment par la présence de l’hindouisme, érigé en religion d’État jusqu’à l’abolition de la monarchie en 2008. »

Carte du Népal
Carte du Népal

Le Népal est reconnu depuis plusieurs dizaines d’années comme une terre exceptionnelle d’alpinisme  – sur les 14 sommets de plus de 8000 mètres que compte l’Himalaya, 8 se trouvent au Népal – et de grande randonnée. Pour citer les plus courus : tour des Annapurnas, vallée de l’everest, Manaslu. Des femmes et des hommes se déplacent du monde entier pour rencontrer ce joyau du vivant.

Dans ce pays d’une grande richesse culturelle – 122 langues, 60 castes, 70 districts –, il existe encore des régions complètement vierges de toute artificialisation humaine, où l’anthropocène n’a pas encore eu d’impact négatif sur la faune ni la flore.

La majeure partie de ce qu’on pourrait appeler le far ouest népalais, est éloignée de toute vraie ville de plusieurs jours de marche. Dans ce territoire difficile d’accès, avec un passage obligé de plusieurs cols de haute altitude (+ de 5000 m), le temps semble s’être littéralement arrêté. Ses paysages majestueux et son riche patrimoine culturel en font une destination unique, mais son isolement géographique en limite l’accès et en préserve les traditions ancestrales.

À la recherche de l'hospitalité dans les dernières lueurs auprès d’une famille de nomades dans le bas Dolpo. © Clément Cangiano
À la recherche de l’hospitalité dans les dernières lueurs auprès d’une famille de nomades dans le bas Dolpo. © Clément Cangiano
Un frère et une sœur se rendant à l’école. © Clément Cangiano
Un frère et une sœur se rendant à l’école. © Clément Cangiano
Un troupeau de Yaks avec leur berger nomade dans la Hidden Valley. © Clément Cangiano
Un troupeau de Yaks avec leur berger nomade dans la Hidden Valley. © Clément Cangiano

Cette aventure, c’est ainsi l’histoire de trois copains, qui développent un projet en plusieurs étapes, #ultracitadins (voir en fin d’article), qui parcourent un bout de transhimalayenne dans un style minimaliste que l’on appelle le fast hiking, sans tente, à la recherche d’un itinéraire qui traverse l’ouest Népalais, de la sortie des Annapurnas à la frontière indienne, au plus près des hautes montagnes himalayenne qui mènent au Tibet. Ils ont 5 semaines.

« Certains hommes espèrent rentrer dans l’histoire en gravissant l’Everest. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie. » Sylvain Tesson
Le parcours de nos trois acolytes. Au total 817,86 Km et 33 700 de dénivelé positif.
Le parcours de nos trois acolytes. Au total 817,86 Km et 33 700 de dénivelé positif © Stephen Rater
Samuel Urtado, Bertrand Courtot et Clément Cangiano © Nikolas Pavlakis
Samuel Urtado, Bertrand Courtot et Clément Cangiano © Nikolas Pavlakis

Une géographie inhospitalière

L’accès à l’Ouest népalais est un véritable défi. C’est notre premier. Les infrastructures routières y sont limitées, avec des routes souvent impraticables durant la saison des pluies et des ponts précaires reliant des villages éparpillés. L’absence d’infrastructures routières rend les déplacements ardus. Les principales voies de communication restent les sentiers pédestres et les caravanes de mules. Les sentiers escarpés et les ponts suspendus sont souvent les seules voies de communication, rendant les voyages longs et éprouvants. Cet isolement a un impact direct sur la vie quotidienne des habitants, rendant les services de base comme l’éducation et la santé difficiles à atteindre.

Le far ouest népalais est aussi marqué par une géographie spectaculaire et souvent inhospitalière. La région est dominée par de hauts sommets himalayens, des vallées profondes, et des rivières impétueuses. Les districts montagnards que nous traversons, tels que Humla, Jumla, Dolpa, et Mugu sont parmi les plus reculés. Cette topographie rend l’accès difficile, créant ainsi un monde à part, où le temps semble s’être arrêté. Il faut ajouter à cela des conditions météorologiques imprévisibles, ajoutant une couche supplémentaire de complexité à tout déplacement. Nous avons ainsi pu ressentir régulièrement quatre saisons très différentes en une même journée.

Le Haut Dolpo. © Nikolas Pavlakis
Le Haut Dolpo. © Nikolas Pavlakis
Le Haut Dolpo. © Nikolas Pavlakis
Samuel Urtado attendant Clément Cangiano lors de l’ascension d’un des cols à 5500m. © Nikolas Pavlakis
Samuel Urtado attendant Clément Cangiano lors de l’ascension d’un des cols à 5500m. © Nikolas Pavlakis
Un lama (prêtre népalais) en train de prier. © Nikolas Pavlakis
La Hidden Valley, l’entrée dans le Haut Dolpo. © Nikolas Pavlakis

Une richesse culturelle intacte

L’isolement de l’Ouest népalais a permis la préservation de traditions culturelles uniques. Les habitants, majoritairement des groupes ethniques comme les Thakuri, les Magar, les Sherpa et les Tamang, maintiennent un mode de vie traditionnel. L’agriculture et l’élevage restent les principales activités économiques, pratiquées avec des méthodes ancestrales transmises de génération en génération. Nous n’avons croisé aucune machine, tout est manuel, mécanique, à la force du corps physique des hommes et des animaux.

Les terrasses de culture sculptées dans les montagnes témoignent de ce savoir-faire. Les villageois vivent principalement de l’agriculture de subsistance, cultivant le millet, le blé, le maïs et élevant du bétail. Les artisans locaux, notamment les tisserands et les forgerons, perpétuent eux aussi des savoir-faire artisanaux. « Dans chaque vallée et sur chaque colline, le Népal porte les marques de notre héritage ancien », livre Kumar, un paysan népalais de la région du Dolpo. « Nos chants, nos danses, et nos coutumes sont comme les rivières qui coulent de nos montagnes : elles nourrissent notre âme et gardent vivante notre histoire. »

Malgré les défis géographiques, le peuple est fier de ses traditions culturelles et spirituelles. Les différentes communautés ethniques qui composent la région ont chacune leurs propres coutumes, langues et croyances. Les festivals locaux, les danses traditionnelles et les rituels religieux rythment la vie des villages, créant un tissu social étroitement lié à l’histoire et aux croyances ancestrales.

Une vallée agricole à l'ouest du lac Rara. © Bertrand Courtot
Une vallée agricole à l’ouest du lac Rara. © Bertrand Courtot
Une femme transportant du blé sur son dos. © Bertrand Courtot
Une femme transportant du blé sur son dos. © Bertrand Courtot
Un villageois s’amusant à porter nos lunettes Glacier IZIPIZI. © Bertrand Courtot
Un villageois s’amusant à porter nos lunettes Glacier IZIPIZI. © Bertrand Courtot
Le repiquage du riz avant la mousson. Les champs de culture commencent à donner blé et riz en cette période de pré mousson. © Bertrand Courtot
Le repiquage du riz avant la mousson. Les champs de culture commencent à donner blé et riz en cette période de pré mousson. © Bertrand Courtot

Les défis de la modernité

Malgré son authenticité qui peut enchanter, la région n’est pas sans défis. L’accès limité aux services de santé et à l’éducation constitue un problème majeur. Les infrastructures médicales sont rares et souvent mal équipées, obligeant les habitants à parcourir de longues distances pour obtenir des soins de base.

Nous avons croisé un habitant du Mugu qui s’était cassé net la jambe l’année dernière, écrasée par un arbre. Il lui a fallu trois jours sur une mule, puis monter dans une jeep puis un bus, pour enfin trouver un hôpital pouvant le prendre en charge. « Pour atteindre l’hôpital, c’est comme gravir une montagne sans fin », explique Birman, habitant du far west nepalais. « Il faut marcher des heures, souvent à travers des sentiers escarpés et des rivières déchaînées. Chaque pas est un combat, mais quand la vie est en jeu, on trouve la force de continuer, même si l’hôpital semble si loin. »

De même, les écoles sont peu nombreuses comparé au nombre d’enfants, leur imposant de longues marches, le matin comme le soir, dans des terrains très vallonnés, pour rejoindre les établissements scolaires. Arjun, Lama du village de Chakra Bott, le village le plus haut de la planète, situé à 4300 mètres, raconte: « Au Népal, les écoles sont comme des étoiles dans le ciel, rares et lointaines. Nos enfants doivent marcher des heures chaque jour, parcourant de long chemins, pour atteindre ces lieux de savoir. Mais c’est le prix à payer pour un avenir meilleur. »

Des enfants dans le village de Bantadi. © Bertrand Courtot
Des enfants dans le village de Bantadi. © Bertrand Courtot

Les marchés locaux sont évidemment peu développés par rapport aux nôtres. Durant un mois, nous avons globalement mangé la même chose : du riz, des lentilles, des nouilles instantanées et des petits beurres. L’absence de routes empêche l’acheminement facile des produits agricoles vers les centres urbains. Le tourisme, bien que possédant un potentiel énorme, reste sous-exploité en raison des difficultés d’accès. Tant mieux pour nous.

L’isolement de l’Ouest népalais n’est pas sans conséquences démographiques. Le manque d’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux opportunités économiques pousse de nombreux jeunes à migrer vers les villes ou à chercher du travail à l’étranger. Cette migration contribue à l’affaiblissement des structures sociales traditionnelles et à l’abandon progressif des pratiques culturelles ancestrales. La chercheuse Blandine Ripert explique clairement ce phénomène: « Le processus de mondialisation à l’oeuvre chez les népalais se perçoit donc dans l’introduction d’idées et de produits venus du reste du monde, diffusés par les villageois eux-mêmes de plus en plus mobiles, à la recherche de réponses aux difficultés auxquelles ils sont confrontés chez eux. »

Une habitante devant sa maison. © Clément Cangiano
Une habitante devant sa maison. © Clément Cangiano
Une grande vallée asséchée. © Clément Cangiano
Une grande vallée asséchée. © Clément Cangiano
Un villageois nous saluant. © Clément Cangiano
Un villageois nous saluant. © Clément Cangiano

Wild Wild West

Le tourisme de l’alpinisme et du trekking étant devenu un gros business pour le Népal, il est très encadré. Chaque séjour doit s’organiser via une agence qui délivre le permis d’entrée dans les différentes régions et impose un guide et un porteur. Or, nous avons souhaité nous déplacer en autonomie, porter tout le nécessaire pour avancer rapidement et réaliser cette traversée Himalayenne en un mois seulement.

Ayant opté pour un mode de déplacement qualifié de « fast packing, fast hiking », un style minimaliste, sans tente, juste un abri de secours qu’on appelle un « tarp ». Les sacs feront maxi 8/9Kg chargés en vivres et eau. Nous partons donc « hors la loi », sans permis, ni guide, ni porteur, mais avec une grande étude des cartes, de la topographie, de la géographie. Notre itinéraire est simple : nous allons essayer de partir de la chaînes des Annapurnas, direction le far west, avec pour objectif de traverser le mustang, le dolpo, la Karnali et rejoindre la frontière Indienne en restant le plus haut possible au Nord du pied, au pied des hauts plateaux tibétains.

Marche au coucher du soleil. © Clément Cangiano
Marche au coucher du soleil. © Clément Cangiano

Il faut savoir que seuls les sentiers régulièrement empruntés apparaissent sur les cartes régionales. Or, nous allons principalement nous déplacer sur des pistes de mules et qui sont inaccessibles 10 mois dans l’année (à cause de la neige et de la mousson).

Nos premiers jours sont réservés au long voyage en bus permettant de rejoindre la vallée du Mustang depuis la capitale Kathmandu. Arrivés à Jomson, nous commençons notre marche en direction du village sacré de Muktinath. Nous avons choisi de nous acclimater en altitude autour de 4500 m. Ce sera notre seule route vers l’est. Chaque jour nous montons à 5000m pour habituer nos corps à l’altitude car nos premiers jours vont être intenses: trois cols à plus de 5000 m au programme pour entrer dans le haut Dolpo.

Muktinath est le village de sortie de la chaîne des Annapurnas. Il est donc très emprunté par les trekkeurs. L’ambiance y est festive. La première ascension rapide à 5000 m nous rappelle ce qu’est le mal des montagnes, et les heures qui s’ensuivent ne sont pas très agréables. Au bout de quelques jours, une fois que nos corps assument bien l’effort en montée, chargés avec des sacs permettant une autonomie totale de 3 à 4 jours, nous préparons le grand départ pour le Dolpo, qui se fera en début d’après-midi et une entrée dans la région de nuit.

Niraj, au fin fond du Majhpali, fier devant le deuxième pont le plus long du Népal (270m de long, 200m de haut). C’est un village retiré à plus de 2 jour de mule de toute civilisation. © Samuel Urtado
Niraj, au fin fond du Majhpali, fier devant le deuxième pont le plus long du Népal (270m de long, 200m de haut). C’est un village retiré à plus de 2 jour de mule de toute civilisation. © Samuel Urtado
Un grand père et ses petits enfants qui nous hébergent au coin du feu à ses côtés un soir de grosse pluie. © Samuel Urtado
Un grand père et ses petits enfants qui nous hébergent au coin du feu à ses côtés un soir de grosse pluie. © Samuel Urtado
Sur le deuxième plus grand pont de singe du Nepal. © Samuel Urtado
Sur le deuxième plus grand pont de singe du Nepal. © Samuel Urtado

Nous descendons donc des Annapurnas, traversons la vallée du Mustang sous de grosses rafales de vent, et entrons dans la zone retirée du Mustang, frontalière avec le Dolpo. Nous sommes heureux de trouver refuge dans un abri pour chèvres et rencontrons un berger adorable. La communication verbale est souvent limitée car nos bases de Népalais sont souvent peu utiles, les différentes personnes rencontrées durant ce voyage parlant souvent tibétain ou l’une des 120 langues régionales.

Le lendemain nous avons une grosse journée de montagne en condition hivernale sous un gros vent et de la neige. Partis au lever du jour, nous finirons la journée au couchant comme souvent, dans un abri de muletier à 4500 m d’altitude. 

Bertrand Courtot et Clément Cangiano devant les majestueuses Annapurnas. © Samuel Urtado
Bertrand Courtot et Clément Cangiano devant les majestueuses Annapurnas. © Samuel Urtado
Samuel Urtado récupère à 5600m d’altitude. © Clément Cangiano
Samuel Urtado récupère à 5600m d’altitude. © Clément Cangiano

Le jour qui suit sera le plus intense en terme d’altitude de notre traversée : deux cols à plus de 5000 m, très peu tracés car les neiges viennent d’y fondre. Nous les terminons en scrambling (un mélange de marche et grimpe), sans assurance, à 5500 m. C’est le passage obligatoire pour rejoindre le Haut Dolpo. La descente dans ce qui est appelée la « hidden valley » (vallée cachée) est interminable, nous y croisons des Yaks sauvages, d’autres en troupeau, et nous arrivons à bout de souffle dans le village le plus haut perché de l’humanité, Charka Bott, à 4400 mètres, quasiment à la hauteur du pic du Mont Blanc. C’est le Lama (prêtre bouddhiste) du village qui nous offre le logis. Nous y resterons 24 heures.

Cette introduction du Dolpo nous donne le ton des jours suivants : chemins de mules, pas un chat à l’horizon, la frontière tibétaine est proche, le bouddhisme est omniprésent. Les journées de marche entre 40 et 50 km s’enchainent, nous passons du haut au bas Dolpo. Nos vivres diminuent et nous optons pour une sortie du Dolpo de nuit, en regardant sur les cartes où sont situés tous les check post.

La journée nous ramenant dans la ville située à la sortie de cette immense vallée que nous avons parcouru pendant plusieurs jours sera très longue: plus de 50 km à parcourir avec plus rien à manger. C’est donc en soirée et en ordre dispersé que nous arrivons à Dunai, et sa base militaire. La nuit sera courte et la journée suivante dédiée à trouver une voie de sortie sans se faire contrôler le lendemain (rappelons que notre voyage en autonomie est quelque peu illégal).

Un troupeau de Yaks avec leur berger nomade dans la Hidden Valley. © Clément Cangiano
Un troupeau de Yaks avec leur berger nomade dans la Hidden Valley. © Clément Cangiano
Des pierres gravées. © Clément Cangiano
Des pierres gravées. © Clément Cangiano
Un troupeau de chèvres. © Clément Cangiano
Un troupeau de chèvres. © Clément Cangiano

Aux aurores, nous traversons la grande rivière et nous affichons dans les montagnes afin de disparaître de la zone interdite. Après une petite frayeur en croisant des militaires (le risque est l’expulsion du pays), nous sortons finalement soulagés de cette charge mentale et continuons notre chemin, joyeux comme des enfants. Nous traversons des petits villages avec une ambiance unique. Avant que les enfants partent à l’école, on y joue de la musique. Nous suscitons la curiosité.

« Traverser les petits villages de l’ouest du Népal à pied, c’est comme marcher au cœur d’une peinture vivante. Chaque maison raconte une histoire, chaque rencontre est un échange unique. Les rires des enfants, le chant des oiseaux, et le doux murmure des rivières créent une symphonie unique, faisant de chaque pas une expérience inoubliable. » – Samuel Urtado
Une gardienne de refuge et son chat. © Bertrand Courtot
Une gardienne de refuge et son chat. © Bertrand Courtot
Un habitant du Dolpo. © Clément Cangiano
Un habitant du Dolpo. © Samuel Urtado

Nous croisons de nombreux marcheurs très chargés qui vont dans le sens inverse, en direction du Haut Dolpo, frontalier avec le Tibet, à la recherche de Yarsa Gumba (nom de la plante en occident : Cordyceps), ce champignon aux nombreux bénéfices pour la santé dont raffolent les Chinois – et les occidentaux. Le nord du Népal a d’ailleurs développé une forte dépendance économique autour du commerce de ce champignon qui se revend cher et se trouve principalement sur les hauteurs népalaises.

L’histoire étonnante de la cueillette de ces champignons est relatée dans le documentaire intitulé Searching for Yarsagumba in Nepal, disponible gratuitement sur Youtube sur la chaîne Himalayan Archives. Un cueilleur népalais croisé en chemin nous raconte d’ailleurs son quotidien: « Chargés comme des yaks, nous gravissons les pentes escarpées, nos yeux fixés sur le sol, à la recherche du précieux cordyceps. Chaque pas est une épreuve, mais la promesse de cette rare trouvaille nous pousse à avancer. C’est une quête difficile, mais ici, dans ces montagnes, le cordyceps est plus précieux que l’or. »

Un berger portant du bois pour se réchauffer la nuit. Au sommet d’un col du Mustang. © Samuel Urtado
Un berger portant du bois pour se réchauffer la nuit. Au sommet d’un col du Mustang. © Samuel Urtado

Les jours suivants sont consacrés à rejoindre la capitale de l’ouest Nepalais, Jumla, avec de nombreuses rencontres splendides, pleines d’humanité. Nous sommes redescendus en altitude donc les cultures sont omniprésentes. Principalement celles des pommes de terres, du riz, des lentilles, qui permettent de nourrir tout le pays autour du plat unique que l’on retrouve au Nepal : le Dalh Baht (littéralement « Lentille Riz »). Nous assistons aux différentes préparations en fonction des régions traversées, découvrons les divers moyens de cuissons, c’est passionnant. Généralement, le soir en arrivant chez l’habitant, nous observons les femmes préparer pendant 1h30 le Dalh Baht pour nourrir toute la famille.

Nous resterons 48 heures à Jumla, initialement pour récupérer des forces. Nous sommes à mi-parcours, et nous luttons contre une intoxication alimentaire qui nous met à plat, fiévreux et sans force. Ce genre de voyage en itinérance épuise l’organisme par son côté très sauvage et intense à chaque instant. Le confort n’existe pas. Les nuits sont courtes et sur des sols plus ou moins pentus, les journées interminables et le manque de calories quotidien. Mais c’est ce que nous sommes venu chercher: un retour à l’essentiel.

L'enfant mouche © Clément Cangiano
L’enfant mouche. © Clément Cangiano
Un vieux berger qui nous a sauvé la mise alors que nous ne trouvions pas le chemin. © Clément Cangiano
Un vieux berger qui nous a sauvé la mise alors que nous ne trouvions pas le chemin. © Clément Cangiano
Une famille devant leur maison. © Clément Cangiano
Une famille devant sa maison. © Clément Cangiano

De Jumla, nous repartons direction le nord une nouvelle fois à la recherche d’un itinéraire nous permettant de prendre une route directe vers l’ouest. Cette dernière n’a jamais été empruntée, ou alors il y a très longtemps, car elle file à travers de denses massifs montagneux.

Nous passons le plus haut lac du pays (lac Rara), dans le parc national qui porte le meme nom, Rara. Puis suivons d’infinis cours d’eau pendant plusieurs jours. Parfois nous passons d’une rive à l’autre car les sentiers sont impraticables dû à de gros éboulements ou détruits par la mousson, qui sévit chaque année. Parfois il existe des ponts, parfois ils sont détruits ou inexistants, nous obligeant à trouver un guet de passage.

Un des nombreux ponts de fortunes qui permettent de traverser les cours d'eau des glaciers. © Samuel Urtado
Un des nombreux ponts de fortunes qui permettent de traverser les cours d’eau des glaciers. © Samuel Urtado
De rares népalais à l’aise dans l’eau, au pied du massif du Saipal. © Clément Cangiano
De rares népalais à l’aise dans l’eau, au pied du massif du Saipal. © Clément Cangiano

Nous finissons par arriver à un point de non-retour : après plusieurs jours à s’engouffrer au pieds des massifs tibétain, nous nous rendons compte qu’il sera impossible de prendre la dernière diagonale vers l’ouest. Les montagnes y sont trop brutales, les chemins inexistants et par-dessus tout les vivres nous manquent. Nous prenons la difficile décision de revenir deux jours en arrière sur nos pas, pour prendre une voie plus basse qui nous permettra de terminer le périple à l’ouest.

En redescendant, les chaleurs qui frappent l’Inde et le sud du pays se rappellent à nous. Le moral est entamé mais nous n’avons pas le temps de nous poser, il faut avancer, jour après jour, jusqu’à la frontière.

Les derniers jours sont difficiles, les organismes usés. Nous arriverons en ordre dispersé à la frontière. Bertrand continue sa route en Inde, car il réalise en effet une trans-himalayenne complète. Clément et moi rentrons à Katmandou. C’est la fin d’un périple d’une intensité et densité rare. Nous sommes épuisés et heureux. On se regarde et on s’accorde tous les trois pour reconnaître que « c’était clairement le périple le plus intense que nous ayons vécu ».

« Cela fait maintenant deux mois et demi que nous sommes rentrés, la récupération a été longue et progressive. Je me sens enfin prêt de rechausser mes chaussures de trail pour l’Ultra Trail du Mont Blanc cette semaine » – Samuel Urtado
Samuel Urtado en pleine pause méditative. © Clément Cangiano
Samuel Urtado en pleine pause méditative. © Clément Cangiano

Une leçon de vie

Pour les voyageurs du monde en quête d’authenticité et de rencontres humaines profondes, l’Ouest népalais offre une expérience inoubliable. La beauté sauvage des paysages, l’hospitalité des habitants et la richesse culturelle de la région sont autant de trésors à découvrir. S’aventurer dans cette partie reculée du Népal, c’est plonger dans un monde où la tradition et la nature coexistent harmonieusement, loin de l’agitation de la modernité.

L’Ouest népalais demeure un bastion de traditions vivantes et de beauté naturelle intacte. Son isolement, bien que ardu pour ses habitants, a permis de conserver un mode de vie traditionnel qui s’effrite ailleurs. Les défis sont nombreux, mais avec des initiatives ciblées et respectueuses de l’environnement et des cultures locales, l’Ouest népalais peut espérer un avenir où développement et tradition cohabitent harmonieusement.

Cette région offre un voyage dans le temps, une immersion dans des cultures préservées et une exploration de paysages à couper le souffle. C’est un trésor caché au cœur des Himalayas.

Une partie de football sur le terrain le plus haut de monde, à Chakra Bott (4300m d’altitude) © Clément Cangiano
Une partie de football sur le terrain le plus haut de monde, à Chakra Bott (4300m d’altitude) © Clément Cangiano

Plus d’informations:

Bertrand Courtot est actuellement en train de terminer sa Transhimalayenne. Après plus de 3000Km de marche, il est arrivé avant la mousson au Pakistan, au pied du Nanga Parbat , le dernier des sommets de plus de 8000 m de la planete. A l’ouest de la chaîne himalayenne.

Clément Cangiano et Samuel Urtado sont rentrés et préparent l’exposition et le film documentaire de ce périple.

En attendant l’exposition, vous pouvez vous offrir les clichés de Clément Cangiano en cliquant sur le lien suivant.

Stephen – qui a illustré cet article – amoureux du Népal, organise un trek au Népal autour de l’astronomie, du 10 au 25 novembre 2024. Direction la région du Solu, territoire Sherpa. Pour plus d’infos et réservations, contactez le sur instagram
. Toutes les informations sont aussi disponibles ici.

Samuel Urtado propose des séjours de micro aventures régulières. Vous pouvez suivre son actualité sur instagram.

#ultracitadins est un projet de 3 documentaires. Le premier relatant l’épopée du Team Trail Paris ayant couru les 750Km reliant Paris à Annecy (entrée des Alpes par le Nord) en moins de 75H. Le second cette aventure népalaise. Et le troisième, la descente du Rhône sauvage depuis le glacier jusqu’à la mer, par 2 amis parisiens, Samuel Urtado et Thibaut Lamy. Les 3 documentaires sont réalisés par Clément Cangiano et produit par GORIS film.

Photo de groupe au sommet du plus au col du parcours, à près de 5800m d’altitude.
Photo de groupe au sommet du plus au col du parcours, à près de 5800m d’altitude.