La vie de Sandra Cattaneo Adorno, qui est originaire de Rio de Janeiro, a été façonnée par les voyages à travers le monde, un sentiment de nomadisme, et une recherche d’appartenance à travers l’art.
Comme l’artiste française Dora Maar, qui a réinventé sa pratique de la photographie à 70 ans, Sandra Cattaneo Adorno a elle aussi choisi la photographie à un âge vénérable, à 60 ans en 2013. « La photographie est un voyage de découverte », dit-elle. « Je regarde, je m’interroge, je cherche toujours à comprendre le monde dans ce qu’il révèle – et ce qu’il cache – à la vue de tous. »
Au cours de la dernière décennie, elle a affiné sa passion pour l’aventure, la créativité et le jeu en utilisant l’image pour découvrir les frontières entre réalité et illusion. Entre ses mains, l’appareil photo devient un visa pour un univers singulier, un monde d’expérimentation visuelle, transfiguré par la conception de son livre.
Avec la publication de sa quatrième monographie, Dix ans, et l’exposition personnelle éponyme à la 7e édition de l’exposition Personal Structures, qui se déroule parallèlement à la 60e Biennale de Venise, Sandra Cattaneo Adorno et le co-commissaire Andrea Verganti mélangent avec élégance ses séries de photographies pour distiller une poignante dose de mysticisme.
Royaume de l’ombre
Organisée par le Centre Culturel Européen, l’édition 2024 de Personal Structures a pour thème la condition des étrangers, des émigrés, des exilés et des réfugiés, en particulier ceux qui ont déménagé entre l’hémisphère Sud et l’hémisphère Nord, ou Sud global et Nord global, selon l’expression appropriée.
Avec Dix ans, Sandra Cattaneo Adorno revisite ainsi ses voyages à l’île Maurice, en Egypte, au Brésil, en Thaïlande, à Singapour, New York, Londres, en Italie, au Portugal et au Japon. Imprimées à l’encre métallique dorée sur papier noir, ses scènes scintillantes de la vie quotidienne convient à une expérience aussi mystérieuse que l’existence elle-même.
« Avec mon appareil, j’essaye de capter un instant fugace avant qu’il ne disparaisse, préservant ainsi sa majesté et son mystère pour une contemplation future », explique Sandra Cattaneo Adorno. « Comme des souvenirs, mes photographies scintillent dans l’espace qui se situe entre fantasme et réalité. Je suis fasciné par la façon dont la lumière et l’ombre, la couleur et la forme peuvent transformer le monde matériel en illusion d’optique, donnant l’impression que nous nous déplaçons, en apesanteur, dans un rêve. »
Un sentiment d’appartenance partagé
Avec ce livre, la photographe brésilienne illustre ce qui l’anime profondément: un grand sentiment de curiosité, d’enchantement et d’émerveillement. Elle dit s’inspirer de la peintre Tarsila do Amaral pour embrasser les étendues luxuriantes du modernisme brésilien. Elle utilise aussi le symbolisme de sa terre natale avec des compositions stylisées pour parler de son sentiment d’appartenance.
Dès le début, Sandra Cattaneo Adorno a été attirée par la photographie de rue, notamment dans son premier livre, intitulé L’autre moitié du ciel. Elle est ensuite retournée à Ipanema, la légendaire plage de Rio de Janeiro de son enfance, où elle a commencé à tirer ses images avec des encres d’or et d’argent pour évoquer les éléments de l’eau, de la terre, du soleil et du ciel pour une deuxième monographie, Águas de Ouro (Eaux d’or). De son attirance pour les vastes paysages oniriques naîtra son troisième livre, Scarti di Tempo (Fragments de temps).
On note l’adoption d’un effet rappelant le procédé de dessin photogénique initié par William Henry Fox Talbot dès 1834. Sandra Cattaneo Adorno centre la présence de l’espace négatif dans son travail. Ce qui émerge est une curieuse sensation de dislocation qui existe dans le monde des ombres, alors qu’elle utilise l’or pour illuminer les présences humaines, ce qui rappelle aussi les splendeurs délicates des peintures symbolistes de Gustav Klimt.
Pages du livre de sa vie
Dix ans se dresse au centre de l’exposition de Venise comme un hommage aux possibilités de l’objet d’art imprimé. En s’inspirant des albums d’artistes et des leporellos, le livre adopte le format en accordéon pour présenter les photographies comme des notes que l’on prendrait dans un journal.
Les photographies se fondent les unes dans les autres, provoquant une interaction à la fois énigmatique et profonde. L’ouvrage est ainsi comme un parchemin où les histoires se déroulent en récits fragmentés et superposés, un peu comme la notion de voyage elle-même. Car pour Sandra Cattaneo Adorno, la photographie est bien plus qu’une représentation de la réalité ; c’est une progression dans l’inconnu et une façon de se découvrir soi-même.
Sandra Cattaneo Adorno: Ten Years is on view April 20–November 24, 2024 at Palazzo Bembo in Venice. Sandra Cattaneo Adorno: Ten Years is published by European Cultural Center | Radius Books, $60.00.
