Intérieurs pastels, couleurs chatoyantes et humour pince-sans-rire. Voilà l’univers Wes Anderson. Même si vous n’avez jamais vu un film de ce cinéaste, vous n’avez pas pu passer à côté de son cinéma et de son imagerie si atypique. Dûment reprise et décryptée dans la presse, l’esthétique « Wesandersonienne » séduit au-delà de ses films. Chaque scène est la diapositive d’une longue exposition stylistique où l’image est reine. On y retrouve, dans le désordre : voix-off de narrateur, toile de fond rétro, plans fixes, symétrie parfaite, déplacements latéraux et verticaux de la caméra.
Adepte du maximalisme, le réalisateur s’amuse à parsemer autant de détails cachés dans des œuvres qui demanderaient plusieurs visionnages pour épuiser l’entièreté de son génie artistique. Parmi elles, on peut citer La Famille Tenenbaum, À bord du Darjeeling Limited, The French Dispatch et Asteroid City, son dernier, sorti en salles cet été.
Son plus grand succès reste The Grand Budapest Hotel et les aventures extravagantes de M. Gustave, le concierge d’un hôtel dans l’entre-deux-guerres. Le prestigieux établissement à la façade rose bonbon – qui malheureusement n’existe pas – y est un personnage à part entière. Il regorge de chambres secrètes, de papiers-peints rococo et d’éléments architecturaux aussi absurdes qu’inventifs. Comme toujours chez Wes Anderson, les décors racontent une histoire et jouent un rôle essentiel dans l’atmosphère d’un film.
Du cinéma au réel
Le succès du réalisateur américain va au-delà de sa filmographie. Son style a été copié, recopié, jusqu’à devenir un modèle esthétique sur les réseaux sociaux. Dans de courtes vidéos estampillées #wesandersontrend, les utilisateurs de Tik Tok se sont mis par exemple en scène en s’inspirant des codes du réalisateur. Sans compter le nombre d’articles ou de vidéos qui dissèquent le phénomène Wes Anderson sous son angle esthétique, philosophique, ou rétro-branché.
Devenu une icône de la culture populaire actuelle, l’univers visuel du réalisateur a dépassé toutes les frontières. Certains l’ont même photographié dans le vrai monde. C’est comme cela qu’est né le compte Instagram Accidentally Wes Anderson. Fondé en 2017 par Wally Koval et sa femme Amanda, il comptabilise 1,8 millions d’abonnés, 2 129 publications répertoriant les paysages qui semblent sortis d’un film d’Anderson.
Stations de ski, usines, hôtels, trains… partout dans le monde, les internautes rivalisent de curiosité pour (faire) découvrir des endroits colorés et atypiques. Originellement un compte Instagram, Accidentally Wes Anderson est devenu une plateforme communautaire, où voyageurs comme photographes peuvent soumettre leurs clichés. 90 % des photos et vidéos partagées ont été prises avec un smartphone. Le site propose même une carte interactive recensant tous les lieux qui auraient pu apparaître sur grand écran. Un véritable voyage en Wesandersonie.
Le projet à donné naissance à un livre éponyme, dont la préface est signée Wes Anderson en personne. « Les photographies de ce livre ont été prises par des personnes que je n’ai jamais rencontrées, de lieux et de choses que je n’ai, presque sans exception, jamais vus – mais je dois dire que j’ai l’intention de le faire », y écrit ce dernier, non sans humour. « Je compte bien ne laisser aucune de ces expériences m’échapper, en particulier le stand de crêpes en Croatie. »
Avec 200 clichés sélectionnés parmi plus de 15 000, Wally Koval nous plonge dans ce monde miniature et imaginaire, où règnent compositions symétriques, couleurs vives et détails excentriques. Façon carte postale, chaque image est accompagnée d’une histoire. Des silos roses flashy de l’usine de chocolat Malley’s aux vitraux de la Dog Chapel de Stephen Huneck, en passant par les palmiers du Lycée de l’Image et du Son d’Angoulême, le cinéma comme la photographie ont le don de transformer le regard que l’on porte sur des endroits parfois familiers.
Accidentally Wes Anderson, The Book, by Wally Koval. 368 pages. 35,95 € / $37.50.