Le mardi 14 mars, le journal Le Monde a publié un article informant du nombre de journalistes ou photographes débutants entrés en Ukraine pour faire leur métier. Par le sens du devoir, mais aussi par romantisme, par envie de briller. « En milieu de semaine dernière, les autorités ukrainiennes faisaient état de plus de 2 000 accréditations accordées à des journalistes étrangers », peut-on lire dans le quotidien français. « Un nombre colossal, qui additionne salariés de la plupart des grandes rédactions européennes, reporters du monde entier (Indiens, Thaïlandais, Chinois, etc.) et cette myriade d’indépendants en quête de boulot. »
Le Monde a interrogé plusieurs photographes, journalistes, directeurs d’agence. L’un d’eux, Wilfrid Estève, directeur associé du collectif Hans Lucas, souligne leur motivation : « Pour un jeune photographe, un conflit à moins de 2 000 kilomètres de chez lui, c’est quand même une occasion professionnelle. »
Sur les réseaux sociaux, le sujet de l’inexpérience des jeunes reporters en Ukraine – qui peuvent arriver dépourvus de gilet pare-balles, de casque ou de trousse médicale d’urgence, et sans jamais avoir suivi de formation en secourisme – inquiète les photographes les plus habitués à ce type de terrain.
Dans la journée, le photographe américain Timothy Fadek, connu pour sa couverture des questions sociales et des conflits, représenté par Redux Pictures à New York, professeur en journalisme à l’université de Columbia et à l’International Center of Photography, a ainsi tenu à réagir et proposer un certain nombre de conseils à ceux qui prennent le plus de risques. Blind, qui travaille actuellement avec plusieurs photographes en Ukraine, les publie aujourd’hui dans sa volonté d’épauler tous les photographes qui y travaillent.
Je suis conscient que les « jeunes » qui couvrent l’Ukraine en ce moment vont répondre à ces conseils par « merci papa ». Mais je publie tout de même ces mots, en tant que photographe qui a couvert de nombreuses guerres et insurrections au cours des 20 dernières années, et qui est en Ukraine depuis plus de 7 semaines :
1. Si vous n’avez pas de casque ou de gilet en kevlar avec des plaques, rentrez chez vous.
2. Portez votre casque pour couvrir votre front… Si vous êtes touché par les éclats d’un obus d’artillerie qui explose et que l’un d’eux touche votre visage, vous pouvez survivre. Vous ne survivrez pas s’il vous atteint au front.
3. Les Russes frappent deux fois les zones de frappe, donc lorsque vous accompagnez les sauveteurs pour photographier les conséquences d’une frappe, soyez conscient qu’une deuxième frappe pourrait avoir lieu. Si vous entendez le sifflement de quelque chose qui arrive, vous avez environ une seconde pour vous jeter à terre et vous mettre à l’abri. Ainsi, à chaque fois que vous vous trouvez dans une zone de frappe, sachez qu’un mur ou au moins un pied de décombres peut vous offrir un abri.
4. Ayez deux garrots sur vous. Si l’artère de votre jambe est coupée ou sectionnée, vous avez 30 secondes de conscience, et vous aurez besoin de deux garrots pour arrêter l’hémorragie. Car la pression sanguine est trop élevée pour qu’un seul garrot puisse faire le travail. Une minute sans garrot et vous vous videz de votre sang et mourrez.
5. Soyez épaule contre épaule avec un autre journaliste ou un compagnon de confiance à tout moment. Ce compagnon doit également avoir le kit médical requis, y compris les garrots.
6. Dirigez votre voiture vers la route et éloignez-vous des combats. Les secondes supplémentaires qu’il vous faut pour reculer puis avancer peuvent faire la différence entre s’en sortir indemne ou être touché.
7. Si vous n’avez pas de téléphone satellite ou de traceur GPS, activez au moins le suivi en direct via WhatApp et partagez cette information avec vos personnes de confiance avant de quitter votre base pour la journée.
8. Surveillez votre santé en dormant suffisamment, en faisant des pauses et en mangeant bien. Le covid est toujours un problème en Ukraine, alors portez un masque chaque fois que possible.
Plus d’informations sur Timothy Fadek sur son site et sur celui de l’agence Redux Pictures.